mercredi 23 janvier 2013

Comme la France au Mali, qu’attend la Belgique pour sauver le Kivu ?

La France et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) viennent de bénéficier d’un soutien de taille de la part des États-Unis, afin de chasser du nord du Mali les islamistes armés. En effet, faisant suite à la demande du gouvernement français, les Américains ont commencé à affréter par les airs de l’équipement et du personnel de la France vers le Mali. Washington fournit déjà une aide en matière de renseignements à l’intervention française, même si elle exclut l’envoi de troupes. Pourquoi les Occidentaux s’engagent-ils, militairement, partout en Afrique où règnent l’insécurité sauf dans la région du Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo, où une dramatique situation est en train d’hypothéquer l’avenir de la région des Grands lacs et de l’Afrique centrale ?

Les guerres de Nicolas Sarkozy et de François Hollande

Le 19 mars 2011, peu après le sommet international de Paris[1], les opérations militaires de la coalition internationale en Libye ont commencé. L’aviation française a détruit, dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité[2], plusieurs chars et véhicules blindés libyens au Sud-Ouest de Benghazi où les combats faisaient rage. Les forces britanniques sont aussi entrées en action au-dessus de la Libye. Les frappes aériennes de la coalition internationale ont fragilisé les capacités défensives libyennes et ont permis la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi.
En Côte d’Ivoire, le refus de Laurent Kodou Gbagbo de reconnaître sa défaite[3] face à Alassane Dramane Ouattara a été unanimement condamné par la Communauté internationale, notamment les Nations Unies, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union européenne, la France et les États-Unis. Après que l’Union européenne et les États-Unis ont imposé des sanctions ciblées à l’encontre des principaux membres du régime et des entités ivoiriennes qui soutenaient financièrement le gouvernement, les troupes françaises sont intervenues militairement[4]. Ainsi ont-elles arrêté le président Gbagbo et l’ont livré à son rival Ouattara.
François Hollande a récemment lancé l’opération Serval, engageant ainsi les troupes françaises en soutien à l’armée malienne pour libérer le Nord du Mali occupé par des islamistes armés. Emboîtant le pas aux Américains, la représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a confirmé que l’UE était « très favorable aux actions de la France au Mali », et qu’elle voulait « jouer un rôle actif » pour résoudre la crise.

La défense des valeurs universelles

Si, sous la présidence de l’ancien de Nicolas Sarkozy, les deux interventions françaises en Afrique ont été très contestées, celle que mène en ce moment la France au Mali, sous la présidence de François Hollande, est globalement acceptée. En effet, la France vole au secours d’un pays francophone en passe d’être occupé par des gens qui, ne bénéficiant d’aucune aide directe des pays frontaliers, sont très hostiles aux valeurs universelles pour lesquelles elle s’est toujours battue. Or, ces mêmes valeurs universelles sont constamment bafouées dans la région du Kivu. Est-ce parce que l’agression à laquelle est exposé le Congo-KInshasa est soutenue par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi – alliés des États-Unis dans la région des Grands Lacs africains – que la Communauté internationale n’ose pas intervenir ? D’aucuns pensent que cela est dû plutôt à l’Histoire commune ayant lié les peuples français et maliens.

Les liens coloniaux

Doit-on alors voir, dans l’intervention française au Mali, une logique propre au passé colonial ? Dans l’affirmative, qu’attend la Belgique pour voler au secours de son ancienne colonie qui risque de subir, si rien n’est fait efficacement, le même sort que le Soudan ? D’aucuns savent que, sans la République Démocratique du Congo, la Belgique aurait déjà été confrontée à la même situation que la Grèce, l’Espagne et le Portugal par rapport à la crise économique qui frappe la zone euro.
Si la France et les États-Unis ont une dette morale[5] envers la République Démocratique du Congo, la Belgique n’est pas forcément étrangère, d’une manière ou d’une autre, dans les différentes déstabilisations de son ancienne colonie de 1960 à nos jours. Alors, une réaction ferme du gouvernement belge auprès de l’exécutif européen ne pourra qu’appuyer une éventuelle résolution de la France au Conseil de sécurité en vue de la requalification du rôle des forces onusiennes et, pourquoi pas, l’intervention de l’Eurofor dans la région du Kivu. Les autorités congolaises ont-elles fait auprès des Occidentaux, à l’instar du gouvernement malien auprès de la France, une demande officielle abondant dans ce sens ? Telle est la question que les Congolaises et les Congolais sont en droit de se poser.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

© Jolpress

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Notes :
[1] Auquel prenaient part Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations Unies et la secrétaire d’État américaine aux Affaires étrangères Hillary Clinton.
[2] Autorisant le recours à la force pour protéger les civils.
[3] Lors de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010.
[4] Rappelons que l’intervention militaire de la Force des Nations Unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et de la force française Licorne ont joué un rôle déterminant, en avril 2011, quelques jours avant l’arrestation du président Gbagbo, en ayant contraint les troupes gouvernementales à cesser les combats.
[5] Allusion faite à l’opération Turquoise, pour ce qui est de la France. Dans la même optique, c’est grâce à l’uranium en provenance du Congo belge que les États-Unis ont affirmé leur hégémonie sur le plan militaire en ayant neutralisé le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale (cf. les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki). Cela nécessite une intervention directe d’Africom dans l’Est de la République Démocratique du Congo, et non un simple usage de drones.

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