jeudi 17 janvier 2013

Mali et RD Congo : deux poids, deux mesures ?

Dans une intervention télévisée en date du 11 janvier 2013, le président de la République française a annoncé l’engagement des forces armées françaises au Mali, en soutien aux troupes maliennes, pour repousser les groupes armés islamistes. François Hollande a affirmé que cette opération de lutte contre des « terroristes » durerait « le temps nécessaire ». La France a donc déployé huit cents soldats depuis le début de son intervention militaire, et ce dispositif sera progressivement porté à deux mille cinq cents hommes.

D’aucuns s’interrogent sur le fait que la France ne soit pas intervenue militairement en République Démocratique du Congo, où la situation est beaucoup plus désespérée que celle du Mali. De plus, dans son discours au sommet de la Francophonie à Kinshasa, le chef de l’État français avait promis d’œuvrer pour l’intégrité de ces deux pays francophones.

Les raisons de l’intervention française

La France intervient sur le sol malien, entre autres, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – l’objectif étant d’empêcher que le Mali ne devienne un État de type salafiste, avec tout ce que cela comporterait comme conséquences par rapport aux intérêts occidentaux. L’éventualité de l’hégémonie des trois groupes islamistes – en l’occurrence AQMI, le Mujao et Ansar Eddine – ce pays d’Afrique a donc justifié le soutien du conseil de sécurité des Nations unies et de la classe politique française à la guerre de François Hollande.
D’aucuns n’ignorent que la position géostratégique de la République Démocratique du Congo ne laisse nullement indifférents les groupes opposés aux intérêts occidentaux, tels que l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), les Shebabs, les commandos salafistes..., dans ce vaste et très riche territoire francophone. Les richesses dont regorgent quelques pays africains n’intéressent pas que les seuls Occidentaux, mais aussi d’autres puissances confirmées et émergentes comme la Chine, la Russie, le Japon, l’Inde, Brésil... sans oublier des groupes extrémistes tels que les Hezbollahs, Al-Qaïda, les Talibans... qui, pour des raisons économique et géostratégique, comptent bien s’implanter durablement dans le bassin du Congo où il sera très difficile de les déloger. Pourquoi la France ne s’est-elle pas appuyée sur la Convention européenne pour la répression du terrorisme, conclue le 27 janvier 1977 à Strasbourg, pour justifier une intervention militaire – soit des forces armées françaises, soit de l’Eurofor – dans la région du Kivu ?

La division de la classe politique congolaise

À Paris, la classe politique[1], toutes tendances confondues, a approuvé dans sa majorité l’initiative de François Hollande d’envoyer l’armée française au Mali. Consensus qu’a confirmé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en se félicitant de « la capacité de [la France] à se réunir lorsque sont en jeu les valeurs qui sont au fondement même de [la] République » et en insistant sur une unité particulièrement importante « à un moment où [les soldats français] sont engagés sur le terrain en appui à l’armée malienne ».
À Bamako, toutes les forces vives sont favorables, au-delà de leurs divergences, à l’intervention armée de la France et des forces de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Sur le plan politique, le président par intérim de la République malienne, le professeur Dioncounda Traoré, a sollicité l’intervention militaire de la France auprès de François Hollande pour arrêter l’avancée des djihadistes. Or à Kinshasa, les intérêts partisans ne cessent de primer sur le patriotisme. Ainsi la classe politique congolaise n’est pas prête à s’unir, ne serait-ce que temporairement, pour enrayer l’agression à finalité « balkanisatrice ».

Un avantage non exploité

La France ayant une responsabilité morale dans la mise en place de l’opération Turquoise[2], le président de la République française ne peut rester indifférent à la dramatique situation en cours dans la région du Kivu. Les autorités congolaises auraient donc dû solliciter auprès de différents chefs d’État et de gouvernement, lors du sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Kinshasa, une intervention militaire des pays francophones en vue de la sécurisation de la partie orientale de la République Démocratique du Congo.
Malheureusement, cela n’avait nullement frôlé leur esprit, l’enjeu ayant surtout concerné la soi-disant « légitimité » ou « illégitimité » de tel ou tel candidat à l’élection présidentielle. Alors qu’il disposait de tous les atouts, le président Joseph Kabila n’a pas su exploiter l’avantage qui lui aurait permis d’obtenir le soutien unanime de la communauté francophone, surtout celui de la Belgique, en vue de la sécurisation de la partie orientale.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

© Jolpress

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Notes :
[1] Exceptés Dominique de Villepin, Jean-Luc Mélenchon et Noël Mamère.
[2] L’opération Turquoise s’est déroulée du 22 juin au 21 août 1994 sous mandat des Nations Unies par le vote de la résolution 929. Cette résolution prévoyait un déploiement français avec des objectifs humanitaires en coopération avec la Mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR), qui devait à court terme relever les troupes françaises engagées. Dès le vote de la résolution, un pont aérien fut réalisé entre Paris et Goma, projetant ainsi hommes et matériels au Zaïre (actuellement République Démocratique du Congo). Parallèlement, l’armée française de l’Air installa une base aérienne à Kisangani, toujours dans le territoire zaïrois. Le dispositif interarmées Turquoise, sous les ordres du général Lafourcade, se déploya à Gikongoro, Kibuye, Cyangugu au Rwanda. La première mission des unités françaises avait consisté à assurer la protection des camps des réfugiés, en rétablissant un climat de confiance favorable au déploiement de l’aide humanitaire.

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