mercredi 29 octobre 2014

RD Congo : Gaspard-Hubert Lonsi Koko plaide pour une croissance économique au service de la cohésion sociale

Dans l’interview qu’il vient d’accorder à Œil d’Afrique, Gaspard-Hubert Lonsi Koko se montre pragmatique dans le choix budgétaire en vue de l’exercice 2015. A cet effet, il allie politiquement le dynamisme économique à la justice sociale.


Œil d’Afrique : Le Premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo, a proposé un budget de 9 milliards USD pour l’exercice  2015, alors que vous proposez 12,5 milliards USD. Comment avez-vous fait pour trouver les 3,5 milliards USD ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Dans l’absolu, en prenant en compte les estimations selon lesquelles le Trésor public perd plus de 11,13 milliards USD par an, le budget de la République Démocratique du Congo pour l’exercice 2015 devrait s’élever à plus de 23,63 milliards USD. Mais il serait absurde d’acheter la chikwangue (le bâton de manioc) pour le poisson que l’on n’a pas encore pêché. Fort de ce constat, j’ai privilégié l’option qui consiste à récupérer progressivement, en cours de mandature, les sommes inutilement gaspillées ou alors détournées. Mon souhait le plus cher, c’est que le budget prévisionnel que je propose aux Congolaises et aux Congolaises puisse être révisé en hausse, dans les trois premiers mois de son application, à la suite d’une gestion rigoureuse et sérieuse de la chose publique.

Œil d’Afrique : Qu’est-ce qui prouve l’exactitude de vos chiffres, d’autant plus que le Premier ministre a l’avantage de disposer des chiffres non connus de l’opposant que vous êtes ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Un budget correspond en principe aux dépenses réelles et croit chaque année par rapport aux besoins du pays. L’information gouvernementale étant une source parmi tant d’autres, j’ai fait mes prévisions en fonction de tous les éléments – aussi bien internes qu’externes – en ma possession. En tout cas, les prévisions que j’avance tiennent compte non seulement des différentes hypothèses de croissance, mais aussi de nombreux gaspillages de l’argent du circuit officiel, de la corruption, du détournement des fonds publics… Tous ces facteurs ont conduit à ce que je puisse précautionneusement tabler le budget de la République Démocratique du Congo, dans un premier temps, à 12,5 milliards USD pour l’exercice 2015. Par rapport à la loi de règlement de l’exercice clos, je ne serai pas surpris que mes observations soient prises en compte soit dans la loi de finances initiale, soit dans la loi de finances rectificative.

Œil d’Afrique : Comment se fait-il que le Premier ministre mise sur 48 milliards USD de recettes sur les 5 ans tandis que votre pronostic est de plus de 65 milliards USD pour la même période ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : L’équation est simple. Elle est claire et limpide comme de l’eau de roche. Si le gouvernement en place à Kinshasa est en mesure de dilapider plus de 11,13 milliards USD en une année, on peut a contrario économiser la même somme à chaque exercice budgétaire pendant tout le quinquennat. Ce n’est qu’une question de volonté politique et du désintérêt personnel au profit de l’intérêt de l’Etat, de la capacité à maîtriser les circuits informels en rapport avec la fuite des capitaux. Je ne préconise nullement plus de 65 milliards USD des recettes pour le simple plaisir d’amuser la galerie. Cette préposition est le résultat d’un cheminement gestionnaire mûrement réfléchi.

Œil d’Afrique : Pourquoi, malgré votre pragmatisme, les 65 milliards USD que vous proposez dans 5 ans restent néanmoins inférieurs au budget de l’Angolais pour l’exercice 2014 ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Le budget de l’Angola n’a pas atteint cette année plus de 70 milliards USD par l’opération du Saint-Esprit. Cela est dû à un long processus basé sur une exploitation efficace et une commercialisation sérieuse des minerais. Le gouvernement angolais a su investir l’argent des produits exportés dans les infrastructures publiques. Mon ambition, c’est que la croissance économique contribue largement au bonheur du peuple congolais. Elle doit à tout prix améliorer les conditions matérielles et intellectuelles de nos compatriotes. La cohésion sociale, c’est la finalité de la vision que j’ai, à très court terme, de l’avenir des Congolaises et des Congolais.

Propos recueillis par Roger Musandji

vendredi 24 octobre 2014

La double nationalité en RD Congo, une donnée à géométrie variable ?

Lorsque le jeune attaquant congolo-français a marqué le premier but des Léopards contre les Eléphants de la Côte d’Ivoire lors de la quatrième journée des éliminatoires de la CAN 2015, le peuple congolais – de l’intérieur comme de l’extérieur – s’est à l’unanimité senti fier du compatriote que la France a si chèrement élevé et formé. Force est de constater que, à cet instant précis, le patriotisme a naturellement pris le dessus sur la stérile et politicienne polémique relative à la double nationalité. Ainsi est-on en droit de se demander en toute objectivité si, en République Démocratique du Congo, la binationalité est une donnée à géométrie variable.

Les efforts de la Fecofa

Outre le sélectionneur congolais-français Florent Ibenge Ikwange et son adjoint Mwinyi Zahera juridiquement logé à la même enseigne, beaucoup de jeunes binationaux et de jeunes footballeurs de souche congolaise nés ou grandis en Europe n’ont pas hésité une fraction de seconde à endosser les maillots des Léopards, c’est-à-dire de l’équipe nationale de la République Démocratique du Congo qui plus est le pays de leurs parents. Les démarches de la Fédération congolaise de football (Fecofa) afin de les convaincre à rejoindre les Léopards – lesquelles avaient déjà porté leurs fruits avec des binationaux comme Mulumbu (l’actuel capitaine de l’équipe nationale), Makiadi, Dikaba, Sami Joël, Mongungu, Mabiala – ne peuvent qu’être saluées. De plus, en conformité avec l’article 10-3 de la Constitution du 18 février 2006, l’initiative de la Fecofa a dans le fait confirmé qu’est Congolais d’origine tout individu appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo – présentement la République Démocratique du Congo –  à l’indépendance. La non-application, voire la mauvaise interprétation, de ce dispositif constitutionnel a sans conteste privé les Léopards de talents comme Claude Makelele, Péguy Luyindula, Steve Mandanda, Yan Mvila, Dimitri Mbuyu, les frères Mpenza, Romuald Lukaku, Vincent Kompany, Christian Benteke, Anthony Van Den Borre, José Bosingwa, Blaise Nkufo… D’aucuns savent que ces derniers ont fait et continuent de faire sportivement le bonheur des pays européens comme la France, la Belgique, le Portugal et la Suisse.

La fierté et le patriotisme

Il est indéniable que les démarches de la Fecofa ont renforcé la conscience des binationaux. Effectivement, à l’instar de Fabrice Nsakala (Anderlecht), Arthur Masuaku (Olympiakos), Tshimanga (Anderlecht), Gaël Kakuta, Presnel Kimpembe (Paris Saint-Germain), Junior Malanda (Wolfsburg en Allemagne), Chris Mavinga (Reims en France)…, les jeunes footballeurs de souche congolaise sont de plus en plus nombreux à vouloir emboiter le pas à ceux qui ont déjà opté pour l’équipe nationale de la République Démocratique du Congo. Selon toute vraisemblance, ils veulent porter fièrement et patriotiquement les maillots des Léopards.

Les faits par rapport à la Loi

En droit, il existe un principe selon lequel les faits précèdent la loi. En effet, après la nomenklatura politique qui compte déjà une pléthore d’acteurs possédant la double nationalité (même si elle refuse de le reconnaître publiquement), la Fecofa vient tout simplement de confirmer ce principe.
Par conséquent, au lieu de se mettre systématiquement en porte-à-faux avec le dispositif du droit international attribuant à chaque Etat la souveraineté en matière de nationalité, les autorités congolaises feraient mieux de se conformer à la réalité. Elles doivent de facto cesser de chercher politiquement noise aux Congolais d’origine portant une citoyenneté étrangère. Cela ne fera que renforcer la République Démocratique du Congo sur les plans économique, social, culturel, sportif et démocratique. Il est temps d’améliorer en matière de nationalité, ou de citoyenneté, et d’égalité de tous les Congolais au regard de la Loi, tout dispositif discriminatoire rendant pratiquement conflictuelle la Constitution du 18 février 2006. En agissant de la sorte, celle-ci deviendra juste et parfaite.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

jeudi 23 octobre 2014

RD Congo : 65 milliards USD de croissance économique en 2020

Le 15 octobre 2014, l’assemblée nationale a estimé recevable le projet de budget du gouvernement pour l’exercice 2015 – estimé à environ 9 milliards USD – présenté deux jours plutôt. Envoyé pour amendement à la Commission économique et financière de la chambre basse du Parlement, ce texte devra être transmis au Sénat avant d’être soumis à la signature du Président de la République pour promulgation. Le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, a souligné à cette occasion l’engagement du gouvernement dans la réduction du train de vie des institutions politiques, l’objectif étant d’opérer une meilleure redistribution et d’intensifier les efforts en vue d’une plus grande mobilisation des recettes qui proviendraient à 79 % des ressources internes et à 21 % des ressources externes.

Le déficit et le faible niveau budgétaire

Compte tenu de la faiblesse des recettes prévues dans le projet de loi de finances relatif à l’exercice 2015, de l’inefficacité des réformes fiscales et du laxisme dans l’application des lois budgétaires, auxquels il faudra ajouter l’absence de contrôle, l’impunité ainsi que la modeste contribution des secteurs minier et des hydrocarbures, le Premier ministre a promis d’engager des réformes idoines, en matière de sécurité et de développement économique afin d’atteindre les 48 milliards USD de recettes sur les cinq ans de la mandature. A cet effet, il a souligné à juste titre que « les questions sur la fraude et l’évasion fiscale, notamment dans la phase d’exportation, la lutte contre l’impunité et l’exercice efficace du contrôle exigent que les institutions ad hoc soient renforcées effectivement dans leurs missions ».
Selon Augustin Matata Ponyo, les recettes internes connaissent ainsi un taux d’accroissement de 7,4 % par rapport aux assignations de l’exercice passé et sont constituées des recettes de douanes et assises, des impôts, des recettes non fiscales ainsi que des recettes des pétroliers producteurs. Or, d’aucuns n’ignorent que les recettes mobilisées et réellement canalisées dans les caisses de l’Etat congolais ne reflètent guère le potentiel fiscal ou la vraie capacité contributive du pays. Ceci constitue, à n’en pas douter, un manque à gagner et prive l’Etat d’une partie de ressources pouvant satisfaire les besoins vitaux des populations.

Un budget à la hauteur des enjeux

C’est en mettant définitivement un terme à la fuite des recettes publiques que l’on pourra harmoniser le potentiel en ressources et les performances économique. En effet, le développement économique de la République Démocratique du Congo nécessite que le gouvernement s’implique sérieusement dans la maîtrise de l’endettement et des capitaux internes. Il est donc indispensable de privilégier la rigueur dans la gestion de la chose publique. C’est la condition sine qua non en vue d’un budget à la hauteur des enjeux en cours et à l’image d’immenses richesses dont regorge le sol congolais.
En principe, au vu de divers facteurs évoqués supra, le budget minimal de la République Démocratique du Congo pour l’exercice 2015 doit s’élever à 23 milliards USD. Mais comme on estime à environ 11 milliards USD les flux financiers illicites enregistrés par l’Etat congolais, soit 2 milliards de plus que la proposition gouvernementale, la prudence voudrait que ce budget s’élève dans un premier temps à au moins 12 milliards USD. La finalité consistera à dynamiser la croissance économique à plus de 65 milliards USD à la fin du quinquennat, soit une augmentation annuelle des recettes d’au moins 11 milliards USD de 2015 à 2020, et à encourager un meilleur usage des ressources externes.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko