lundi 21 janvier 2013

Kinshasa, le cadre légitime du dialogue intercongolais

Les désaccords entre la délégation du gouvernement congolais et les représentants du M23 montrent l’impasse des pourparlers de Kampala dont aucune raison ne justifie la tenue. De plus, la République Démocratique du Congo est un État souverain. Il revient donc aux forces régionales et à la communauté internationale d’assister les Forces armées congolaises (FARDC) dans leurs initiatives en vue de la stabilisation de la région du Kivu, et non de cautionner un marché de dupe dont l’issue consiste en réalité à infiltrer les institutions congolaises pour une balkanisation à court terme.

Les revendications supplémentaires du M23

Les rebelles du M23 exigent, comme condition à un cessez-le-feu qu’ils ont pourtant décrété unilatéralement, une amnistie des faits de guerre, la prise en charge par le gouvernement de l’actif et du passif comptable du M23, un gouvernement de transition… en complément de l’ordre du jour des travaux. Celui-ci, adopté et signé lors de la plénière du 16 janvier dernier, comprend quatre points : la revue de l’accord du 23 mars 2009[1] ; les questions sécuritaires ; les questions sociales, politiques et économiques, ainsi que le plan de mise en œuvre. La délégation conduite par le ministre congolais des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, a fait savoir que la rencontre de Kampala ne devait en aucun cas « se pencher sur tous les problèmes de la République Démocratique du Congo ». De plus, le M23 a outrepassé le cadre préalablement défini le 21 novembre 2012 par les trois Chefs d’État de la région – en l’occurrence Yoweri Kaguta Museveni, Paul Kagamé et Joseph Kabila – ayant permis la convocation du Sommet extraordinaire des Chefs d’État de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) du 24 novembre 2012. Le facilitateur Crispus Kiyonga, qui plus est ministre ougandais de la Défense, devra en principe rejeter cette demande supplémentaire, au risque de confirmer la partialité du pays hôte.

Les raisons du refus de Kinshasa

Certaines revendications du M23, lesquelles sont certes judicieuses, sont déjà formulées par les différentes entités de l’opposition, dans toutes ses composantes, et par la société civile sans pour autant verser le sang des Congolais, ni déstabiliser la Nation par le recours aux armes. L’amnistie des criminels et leur intégration dans les institutions de l’État[2] légitimeront non seulement l’affront fait au peuple congolais martyrisé et humilié, mais confirmeront surtout la complicité de l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP) avec les parrains du M23 et banaliseront l’impunité. Dans la même optique, peut-on donner satisfaction aux revendications d’une structure qualifiée de criminelle par des institutions internationales et dont les principaux dirigeants sont recherchés par la Cour pénale internationale (CPI) ? Comment peut-on se plier aux desiderata d’une bande armée dont les membres n’ont cessé de s’adonner aux violences sexuelles, au viol systématique des dispositifs constitutionnels, aux pillages des ressources naturelles, à la déstabilisation du territoire national… ? Comment peut-on composer avec des gens qui trahissent la Nation congolaise, en agissant en intelligence avec les agresseurs ? Le gouvernement congolais est contraint d’éviter, constate-t-on, toute accointance avec les forces négatives.

Des concertations dans un cadre national

Au vu des arguties évoquées ci-dessus, le gouvernement congolais ne peut que rejeter toute proposition imposée de l’extérieur, à propos de la cohésion nationale et de la sécurisation de la région du Kivu. Ainsi a-t-il  intérêt, pour éviter l’amalgame, à ce que les judicieuses revendications concernant les institutions de la République et le « vivre ensemble » puissent être plutôt débattues à Kinshasa dans un cadre inclusif. En effet, sans exclure l’implication indirecte de la communauté internationale à d’éventuelles assises, les différentes problématiques congolaises ne doivent être abordées qu’à la seule initiative des Congolaises et des Congolais par le truchement des concertations dans un cadre national.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

© Jolpress

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[1] Allusion au 23 mars 2009, date à laquelle le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, alors mouvement politico-militaire, avait signé un accord avec le gouvernement congolais pour mettre fin à la rébellion, se transformer en parti politique et faire intégrer ses troupes dans les FARDC. Le M23 dénonce le non-respect par le gouvernement dudit accord relatif au maintien de tous les officiers du CNDP dans leurs grades et l’intégration de la branche politique dans les institutions gouvernementales. Les éléments de ce mouvement armé refusent également « le brassage » : c’est-à-dire l’affectation dans d’autres unités et d’autres régions que veut leur imposer Kinshasa, ce qui les éloignerait de leur zone d’influence dans l’Est.
[2] Rappelons que les éléments du M23, à l’époque membres du CNDP, ont déjà bénéficié d’une loi d’amnistiée ayant couvert les crimes de guerre de 203 à 2009 et ont été intégrés dans l’armée nationale congolaise. Mais cela ne les a pas empêchés de déserter de nouveau les rangs des FARDC et de commettre d’autres crimes.

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