Avant même le déclenchement officiel de l’opération Kimya II au Sud-Kivu, son impacte négatif commence à se manifester.
Des dizaines de milliers de personnes déplacées dans les territoires de Kalehe, Shabunda et Mwenga. Cela implique entre autre la fermeture de toutes les écoles primaires et secondaires opérationnelles dans les milieux d’où les gens fuient, c’est-à-dire une année scolaire perdue pour tous ces enfants, avec tous les sacrifices consentis par eux-mêmes et leurs parents. Quand la population fuit massivement ainsi, c’est la famine : pour les déplacées et pour les familles, déjà pauvres, qui accueillent ces personnes en détresse. Une épidémie de choléra se signale déjà dans le territoire de Kalehe.
Mécontentement des Forces Armées Congolaises (FARDC).
Le samedi 6 juin, au Parc national de Kahuzi-Byega, lors du passage d’une délégation officielle, les militaires basés dans cette contrée et leurs familles ont déclaré à ces autorités leur ras-le-bol. Leurs femmes ont marché avec des calicots sur lesquels on pouvait lire «Mbongo ebima» (que l’argent sorte), pour réclamer le salaire de cinq mois impayés de leurs maris. A la question des journalistes, le Chef d’Etat Major des FARDC a reconnu officiellement que c’est vrai et que la faute est due à la «désarticulation de la chaine de paie». Interrogés sur les exactions commises par les soldats FARDC sur les populations locales, leurs officiers ont avoué les faits en ces termes :
«C’est vrai, comment voulez-vous que ces soldats vivent ? Il nous est impossible d’imposer la discipline à des soldats qui ne sont ni nourris ni payés». En d’autres termes, quand les autorités tiennent un tel langage, les exactions sur la population sont maintenant officialisées! Comment alors des militaires dans ces conditions peuvent-ils aller au front et remporter la victoire ?
Echec du Programme Amani au Sud-Kivu
Les Mayi-Mayi qui s’étaient déjà ralliés aux FARDC, se sentent discriminés vis-à-vis de leurs «collègues» du CNDP qui ont le commandement de l’opération «Kimya II». Ils risquent ainsi de se désolidariser de l’armée nationale et soit de se rallier aux FDLR pour combattre les FARDC, soit de créer d’autres groupes armés autonomes. Le danger apparaît d’autant plus grave si l’on considère un autre fait. Dans le cadre du «Programme Amani», pour ce 30 juin, 15.000 Mayi-Mayi étaient attendus dans les Centres de brassage de Luberizi et de Kalehe. Or, à ce jour, seul 1200 combattants se sont présentés à ces Centres, et 79 d’entre eux ont disparu à nouveau dans la brousse . Les restants 13.875 ce sont donc des troupes potentielles qui pourraient se battre contre les FARDC, compte tenu aussi du fait que le Gouvernement à promis la guerre contre les groupes armés non brassés d’ici cette date du 30 juin.
Elections locales et guerre
Les préparatifs des élections locales et municipales en RD Congo sont maintenant accélérés. Le 7 juin 2009, les opérations de révision du fichier électorale ont déjà débuté à Kinshasa. Selon le calendrier de la Commission Electorale Indépendante (CEI), ces opérations doivent débuter sur le reste de l’étendue de la RDCongo le 2 août prochain. Etant donné qu’aux Kivus (Nord et Sud-Kivu) plusieurs circonscriptions électorales sont administrées par les FDLR, la population se pose deux questions : - Fera-t-on guerre et élections au même moment aux Kivus, ou bien ces deux provinces seront-elles exclues du processus électoral en RDCongo ? - Au cas où cette dernière hypothèse s’affirmerait, devrons-nous à ce moment-là dire que les deux Kivus sont régis par un « statut spécial » ?
Face à cette opération qui se prépare, les réfugiés Hutu armés des FDLR renforcent leurs positions de guerre, alors qu’ils souhaitent rentrer chez eux, mais dans un cadre politique bien négocié .
Les FRF
Au même moment que toutes ces cartes sont en train de se dévoiler, les FRF, branche du CNDP au Sud-Kivu, se désolidarisent du Programme Amani et formulent les mêmes revendications avancées par le CNDP au Nord-Kivu. Dans l’entre-temps, des correspondances non rassurantes de mauvaise gestion sont en train de s’échanger à Kinshasa entre la Présidence et le Gouvernement de la République, et une partie des députés nationaux ne cesse de crier à la violation de la Constitution par la Présidence de la République.
Tout devient un «imbroglio», un désordre total, créé sciemment, de toute pièce : pour quelle finalité ? En définitive, la victime c’est la population misérable des Kivus. Elle est victime de tous côtés : des FDLR, des FARDC, des Mayi-Mayi aussi, de nos autorités, ainsi que de la Communauté internationale.
Fait à Bukavu, le 9 juin 2009.
Néhémie Bahizire
© Congoindépendant 2003-200
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