Véritable catalyseur, Facebook a joué un rôle déterminant dans le déclenchement de la révolution arabe, mais aussi dans leur intensification et leur hiérarchie. Contournant les institutions, dispositifs de prohibition et de filature, et ce malgré un taux de pénétration mis à rude épreuve, Facebook s'est improvisé instrument d'expression personnelle, de libération et d'affranchissement moral.
Des expressions comme " cyberésistance " ont émergé, un blogueur résistant a été nommé ministre, les requêtes " Ben Ali " ont explosé sur Google Tendances, un Egyptien a baptisé sa fille " Facebook " en hommage au rôle tenu par la structure… Facebook a troqué son usage initial contre celui d'étendards de la révolution.
A l'instar des peuples arabes, les Congolais de la diaspora misent sur le réseau social Facebook pour accélérer ce qu'ils appellent " la libération du peuple congolais ". Les commentaires et échanges entre internautes tournent autour des mêmes griefs: situation économique et sociale désastreuse, massacres d'étudiants, manque de liberté d'expression, arrestations arbitraires, assassinats des journalistes, intimidations, violences faites à la femme congolaise, tripatouillage constitutionnel… "Le peuple n'en peut plus de subir toute cette souffrance", peut-on lire sur ces pages.
Les périodes révolutionnaires s'accompagnent souvent d'un romantisme qui se fixe sur les lieux et les choses. L'apogée de l'Internet ressemble à celle de la radio sous l'Occupation de la France par les Allemands. Les Français écoutaient Radio Londres comme d'autres ont pris des nouvelles de Tunis et du Caire via Facebook et Twitter. L'usage de la radio ne vous transformait pas davantage en résistant que celui d'Internet aujourd'hui, mais a sans doute donné à quelques-uns l'impression d'être aux premières loges de l'Histoire en train de se faire…
Si Internet a été un outil au service de la libération des autres peuples, pourquoi ne le serait-il pas pour les Congolais, s'interrogent-ils. Osons dire qu'il pourrait l'être, à condition qu'il tienne son rôle, celui d'un outil, et participe à la diffusion des idées constructives pour l'avenir du Congo, et non pas un instrument au service des individus cyniques, prompts à la polémique stérile qui frise l'incompétence et l'irresponsabilité.
"L'HEURE DE LA PRISE DE CONSCIENCE COLLECTIVE A SONNE !"
Partout, les mentalités changent. Les peuples n'ont plus peur et veulent en finir avec des régimes moins regardants sur les droits de l'Homme.
Pilotés par les partis politiques d'opposition représentés en Europe comme l'Union du Congo (UDC), le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo( RDPC), l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le Mouvement de Libération du Congo (MLC), l'Alliance des Bâtisseurs du Kongo (ABAKO) , le Bundu Dia Kongo (BDK)… et les associations congolaises, dont l'Avenir du Congo-Devoir de Mémoire, les Femmes Congolaises en Action (FCA), le combat des Congolais de la diaspora , notamment ceux de France s'inscrit dans cette démarche. Un appel lancé à la mobilisation sur Facebook est toujours suivi d'effet.
Les manifestations organisées les 19 février et 12 mars dans les rues de Paris témoignent de la volonté des Congolais de France d'œuvrer avec détermination pour faire bouger les choses en RDC. Ils attirent l'attention de la communauté internationale sur les atteintes aux droits fondamentaux commises au Congo et sensibilisent leurs concitoyens à la question de ces droits.
Les annulations, sur les scènes européennes, des concerts des artistes musiciens Congolais venant de Kinshasa ne sont pas pour leur jeter l'opprobre. Selon "Bana Congo" ou "les combattants", initiateurs du boycott, "L'heure de la prise de conscience collective a sonné !". Les temps ont changé, la récréation est terminée. Les artistes musiciens congolais sont réputés pour chanter et danser à la gloire des membres de l'establishment et donnent ainsi l'impression de méconnaitre la situation de misère dans laquelle vit la population.
Largement diffusé sur Internet, ce débat est au cœur de l'actualité sur les pages Facebook. Les internautes en font leurs choux gras et chacun y va de son commentaire.
Le Congo peut-il être libéré par des révolutionnaires exilés à 8.000 kilomètres du territoire national ? Cette question inonde les pages des Facebookers et suscite échanges et commentaires qui font quelque peu sourire dans les milieux congolais des gens avisés où l'on sait le poids des silences dans les "affaires politiques". L'Histoire ne nous apprend-elle pas que toutes les révolutions ont été impulsées à partir de l'extérieur ?
FRINGALE DE LIBERTE
A la lumière du changement qui s'opère dans le monde, on peut oser dire que le vent de la révolution qui tourne actuellement sur le monde arabe va atteindre les pays d'Afrique noire. Les Africains subsahariens aspirent aussi au changement et sont prêts à faire de même.
Plusieurs ingrédients semblent déjà réunis pour qu'en Afrique noire tout implose. Les caractéristiques des modes de gouvernance sont quasi identiques : la mainmise sur le denier public avec des méthodes illégales, la corruption, le despotisme, la nature répressive des libertés, les dérives monarchiques dans les Républiques… Ces pratiques seront sans doute la cause des soulèvements des peuples noirs d'Afrique.
Comme les Tunisiens et les Egyptiens, les Africains subsahariens ont la fringale de liberté et veulent se débarrasser de l'injustice sous toutes ses formes. Les révoltes des peuples arabes constituent un signal fort pour les autorités africaines.
Chaque pays a bien sûr ses spécificités, le processus peut prendre plus ou moins de temps, être plus ou moins rapide ici ou là, mais il est sur les rails…La puissance du système ne peut résister devant la volonté du changement, cette volonté qui se transforme, à force d'être opprimée, en une force capable d'écraser les redoutables régimes.
FACEBOOK, UN PAIN BENI POUR LA DIASPORA
Depuis quelques années, toutes les révolutions, qui se sont soldées par des succès retentissants, sont basées sur la mobilisation des peuples engagés et insatisfaits du système. Et ce, grâce aux nouvelles techniques de l'information et de la communication (NTIC) qui font partie intégrante de notre quotidien.
Internet est devenu un des concepts fondamentaux de la démocratie. Il désigne le lieu symbolique où peuvent s'exprimer toutes les opinions qui structurent le jeu politique, où l'on traite des questions relevant de la collectivité.
On peut certes épiloguer sur les insuffisances de l'Internet qui, selon certains zélateurs de la science, n'est pas la martingale de la démocratie. Mais ses vertus émancipatrices ne sont pas à négliger comme le soutiennent bon nombre d'experts avertis.
Pour les Congolais de la diaspora, Facebook, c'est du pain béni. La Toile leur permet de partager les idées, les rapproche et les galvanise. A la manière des Tunisiens et des Egyptiens, Internet est devenu l'accélérateur du changement politique, social et économique.
Ils ont désormais le sentiment d'avoir leur mot à dire dans le destin de leur pays. La magie de l'Internet leur confère la conviction que son utilisation est un acte politique, qu'ils se transforment en acteurs du changement, en Che Guevara de l'écran.
Robert Kongo, correspondant en France
© Le Potentiel
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