jeudi 23 août 2012

A propos du déploiement d'une force neutre en RD Congo


Gaspard-Hubert Lonsi Koko: "Derrière cette idée se cache, en réalité, la mise en place d'une zone franche et de création d'un Etat autonome."

1. Que vous inspire l’accord sur le déploiement de la Force internationale neutre à l’intérieur des frontières congolaises décidé à Goma par le sous-comité des ministres de la Défense de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) ?
Il faut être naïf pour espérer négocier, alors que l’on se trouve entre les crocs du crocodile. Tous les pays la région des grands lacs n’ont qu’un seul objectif, c’est de fragiliser davantage la RD Congo pour mieux piller ses richesses et la saucissonner à leur convenance. Derrière l’idée d’une force neutre se cache, en réalité, la mise en place dans un premier temps d’une « zone franche » dans la région du Kivu et, dans un second temps, la création d’un État autonome. Ainsi le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, qui servent les intérêts extracontinentaux, seront au final les dindons de la farce. La RD Congo est en droit de demander, en tant que pays souverain, l’aide de ses partenaires. Je préconise donc la mise en place d’une « force d’assistance », et non d’interposition, pour permettre à l’État congolais d’asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire national.

2. D’après maints observateurs, le déploiement de cette force est un refus voilé de condamner clairement les principaux sponsors de l’agression contre la RD Congo, en l’occurrence Kigali et Kampala. Partagez-vous cet avis ?
Toutes les dénonciations contre l’agression de la RD Congo n’ont jamais été suivies d’une condamnation ferme contre leurs auteurs et leurs instigateurs. On se contente d’annoncer des hypothétiques suspensions d’aide et, en coulisse, on continue à s’appuyer sur Paul Kagamé et Yoweri Museveni pour déstabiliser la région du Kivu. Cela permet aux rebelles de conforter leurs positions, afin de pouvoir justifier leur enracinement sur le plan local. La sincérité doit consister à soutenir l’État souverain. J’exhorte donc les parlementaires nationaux à prendre des résolutions pour obliger le gouvernement à faire appel aux forces armées de la SADC et des autres pays d’Afrique centrale afin d’assister les FARDC, selon les modalités acceptées par le parlement, dans leurs actions relatives à la stabilisation de la partie orientale. Je leur demande d’exiger que le gouvernement intervienne auprès du conseil de sécurité des Nations Unies pour que la Monusco mette à la disposition de cette « force d’assistance » le matériel approprié.

3. N’y a-t-il pas un risque de voir cette force neutre de l’Union africaine faire obstruction au travail de la Monusco sur le terrain et empêcher celle-ci de faire le monitoring des nuisances rwandaises à la paix et à la stabilité de la RD Congo ?
L’Union africaine n’a pas les moyens de faire face à la guerre en RD Congo. Ses recommandations dans le règlement du conflit en cours au Nord du Mali devront l’inciter à mandater les pays de la SADC et de l’Afrique centrale à intervenir militairement aux côtés de FARDC dans la région du Kivu. En complémentarité de la « force d’assistance », la Monusco devra poursuivre son rôle en constatant la cessation des activités du CNDP, du M23, des FDLR et d’autre forces négatives instrumentalisées par le régime de Kigali. Elle devra aussi permettre l’évacuation des éléments des FDLR soit vers le Rwanda en vue du dialogue inter-rwandais, soit vers d’autres pays non limitrophes du Rwanda et de la RD Congo.

4. Ne pensez-vous pas que la mise en place de cette force neutre soit la matérialisation du projet de balkanisation de la RD Congo ?
Ceux qui dénonçaient à juste titre la présence des troupes rwandaises dans l’Est de la RD Congo sans l’aval du parlement se sont bizarrement inscrits, constate-t-on, aux abonnés absents au moment où des institutions régionales et internationales reconnaissent le rôle négatif de quelques pays limitrophes. Il est aussi étonnant que les parlementaires congolais se distinguent par l’inertie, alors qu’ils doivent intervenir avant toute décision relative à la présence d’une force étrangère dans le territoire national. Faut-il attribuer cette attitude à une incompétence de la classe politique congolaise, ou alors à sa complicité manifeste contre l’unité nationale ? Dans pareille circonstance, les Congolaises et les Congolais doivent se responsabiliser en commençant par faire preuve de patriotisme.

5. Dans quelques semaines, les chefs d’État de la CIRGL devront avaliser l’accord de Goma. Selon vous, Joseph Kabila devrait-il l’endosser ou pas ?

Le président Joseph Kabila ne peut pas engager la RD Congo dans un processus qui concerne l’unité nationale, sans avoir l’aval du parlement réuni en congrès. J’attire l’attention du peuple congolais sur le fait qu’il reste le souverain primaire. Ainsi lui revient-il, en cas de non-respect de la Constitution, d’agir par tous les moyens. Que la souffrance, la douleur, l’humiliation, les plaintes, les larmes, les lamentations du peuple congolais ne laissent indifférente aucune nation. Que Dieu tout puissant et les forces de l’Esprit, sans aucune distinction, agissent « hic et nunc » et accompagnent notre peuple dans son combat légitime en vue de la paix, de la sécurité, de la cohésion nationale ainsi que du développement économique, social et politique. J’ai dit !

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France.

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko, porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC).

© Le Potentiel

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