mercredi 9 juin 2010

A propos de l'assassinat de Floribert Chebeya

Gaspard-Hubert Lonsi Koko : « Je demande  que les représentants de la diaspora fassent partie intégrante de la commission d’enquête. »

Photo : Gaspard-Hubert Lonsi Koko et José Maria Neves,
Premier ministre du Cap Vert

Samedi 12 juin, Union du Congo organise un rassemblement à Paris (Place Trocadéro sur l’esplanade des droits de l’homme) pour condamner l’assassinat de Floribert Chebeya, directeur exécutif de l’ONG la Voix des sans voix à Kinshasa, le 2 juin dernier. Un meurtre qui a suscité une émotion mondiale et des protestations vigoureuses. Rencontre avec Gaspard-Hubert Lonsi Koko, président d’Union du Congo et futur candidat à l’élection présidentielle en République Démocratique du Congo.

Comment avez-vous réagi en apprenant l’assassinat de M. Floribert Chebeya, directeur exécutif de l’ONG la Voix des sans voix ?
 J'ai éprouvé un grand choc. Je me suis dit que ce qui venait de se produire aurait pu arriver à n'importe quel individu dont les actions ne sont pas favorables au gouvernement en place. On a vraisemblablement assassiné M. Floribert Chebeya parce qu'il dérangeait.
 
Représentait-il un danger pour le régime en place en République Démocratique du Congo, selon vous ?
D'après les bribes d'informations qui circulent, les dossiers en possession de M. Floribert Chebeya concernent les massacres de la population civile dans le Bas-Congo, notamment les partisans du Bundu dia Kongo, et les mauvaises conditions de détention dans certaines maisons d'arrêt. Si ces dossiers étaient publiés, on aurait assisté à un véritable tsunami. On peut déduire que, pour les défenseurs zélés du régime en place, il fallait à tout prix éviter une éventuelle débandade.
 
Que représentait-il pour vous ?
Je n'ai jamais connu personnellement M. Floribert Cheyeba. Il me serait donc difficile de répondre avec objectivité à votre question. La seule chose que je peux dire, c'est que, en sa qualité d'acteur public, il a représenté un maillon important dans un pays où l'opposition peine de plus en plus, depuis l'exil de Jean-Pierre Bemba, à représenter un véritable contre-pouvoir. De ce fait, M. Chebeya a été, grâce à son combat militant, une sorte de garde-fou aux dérives gouvernementales. En tout cas, le fait de l'avoir assassiné a révélé sa dimension internationale.
Si jamais nous arrivons au pouvoir, nous devrons honorer nos frères et sœurs ayant sacrifié leur vie pour notre liberté, de la même façon que nous devrons construire un mémorial pour le génocide congolais et ériger un monument en mémoire de nos compatriotes violés du simple fait d'être nés Congolais. En tout cas, personnellement, je m'y engage.
 
D’aucuns font le lien entre cet assassinat et les prochaines élections qui se profilent à l’horizon. Qu’en pensez-vous ?
Si l'on étrangle aussi aisément un défenseur des droits de l'Homme, il y a de fortes chances que l'on égorge sans pitié toute personne crédible susceptible de menacer, par sa notoriété, le pouvoir actuel. Faut-il croire que cet assassinat est une sorte de mise en garde à l'encontre de différents candidats, surtout ceux de la diaspora ? Cela n'est pas impossible.
La communauté internationale, qui demande à juste titre – avec force et vigueur – une enquête indépendante et transparente, doit sérieusement penser à la protection des candidats à l'élection présidentielle. C'est la condition sine qua non pour la cohésion nationale et une paix durable. Agir de la sorte, c'est favoriser l'émergence d'un Congo meilleur et davantage éclairé.
 
Croyez-vous à la volonté du gouvernement congolais de faire la lumière sur cet acte odieux ?
D'une part, la famille de la victime et ses collaborateurs sont en droit de savoir ce qui s'est réellement passé. D'autre part, le système d'impunité ne doit plus prévaloir en République Démocratique du Congo. Notre pays doit cesser d'être cette jungle où règne la loi du plus fort, ce far west où l'on assassine les gens pour leurs opinions politiques. Notre pays ne doit plus être une sorte de zone de non-droit où  l'on abat purement et simplement ceux qui dénoncent les violations des droits fondamentaux et la mauvaise gestion de la chose publique. Voilà pourquoi nous militons pour que nos compatriotes aient enfin droit à la Liberté, à l'Égalité, à la Sécurité et à la Prospérité.
Pour répondre à votre question, j'espère de tout mon cœur que le gouvernement congolais fera toute la lumière sur l'assassinat de M. Chebeya et de son chauffeur, M. Fidèle Bazana Edadi. Nous sommes très nombreux à vouloir la condamnation des auteurs de cet acte inhumain.
 
Union du Congo que vous présidez organise un rassemblement pour un Etat de droit en République Démocratique du Congo à Paris, le 12 juin prochain. Quel sera votre message à la communauté internationale ?
En tant que président d’Union du Congo, mon message  à l'égard de la communauté internationale concernera surtout la  justice en République Démocratique du Congo. En effet, je demande  non seulement que la communauté internationale participe dans la mise en place de la commission d'enquête indépendante sur l'assassinat de Floribert Chebeya, tant demandée par les organisations non gouvernementales à travers le monde, mais surtout que des représentants de la diaspora congolaise fassent partie intégrante de cette commission d'enquête. Je demande  aussi l'engagement de la communauté internationale dans la protection des défenseurs des droits de l'Homme et des journalistes. Enfin, les membres d’Union du Congo et moi- même espérons obtenir des éclaircissements sur les massacres de la population (Bundu dia Kongo et tant d'autres), les assassinats non élucidés des journalistes (Frank Ngyke, Serge Maheshe, Didas Namujimbo, Bapuwa Mwamba...), les arrestations arbitraires et les conditions de détention dans les prisons (notamment le sort des prisonniers politiques).
 
                                     Propos recueillis par Robert KONGO

© Afrique Rédaction 

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