mardi 19 novembre 2013

FRANCE : LA PAROLE RACISTE LIBEREE !



Christiane Taubira, Garde des Sceaux,  ministre de la justice

Les violentes attaques racistes dont est victime la Garde des Sceaux, ministre de la justice, Christiane Taubira, peuvent difficilement laisser indifférent. Mercredi dernier, elle a été insultée par « Minute », un hebdomadaire d’extrême droite. Trois semaines auparavant, elle a eu droit aux mêmes outrages dans les rues d’Angers (Ouest de la France). Des politiques ne sont pas en reste. La parole raciste se libère en France. Plus que jamais, un sursaut républicain est nécessaire pour combattre la déferlante des propos nauséabonds à laquelle on assiste depuis plusieurs semaines.
Chacun a pu constater, depuis des semaines, des mois même, que la Garde de Sceaux, ministre de la justice, Christiane Taubira, symbole d’égalité, est devenue la cible systématique d’injures à caractère raciste, allusives, quand elles ne sont pas explicites.
En consacrant sa « Une » du 13 novembre à la ministre de la justice, affublée de ce titre prétendument satirique : « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane », l’hebdomadaire d’extrême droite, « Minute », a réussi à susciter une indignation générale, ou presque, contre la banalisation des propos ou injures racistes.
Des propos « d’une extrême violence » qui « prétendent m’expulser de la famille humaine, dénient mon appartenance à l’espèce humaine », a réagi mercredi 13 novembre  la ministre de la justice sur France 2. « C’est ici, dans ce pays de France, cette nation qui s’est construite sur une communauté de destins, sur du droit, sur des lois qui s’appliquent à tous, sur l’égalité entre ses citoyens, c’est dans ce pays-là que des personnes s’autorisent à proférer de tels propos », a-t-elle déploré.
Christiane Taubira admet tout de même que ces attaques à répétition sont difficiles à gérer pour son entourage.
« Moi, j’encaisse le choc. Simplement, évidemment, c’est violent pour les enfants, c’est violent pour mes proches, c’est violent pour tous ceux qui me ressemblent », a-t-elle confié.
Le 25 octobre, déjà, elle était huée à Angers par des enfants de militants de la Manif pour tous aux cris de : « C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ! ». Peu de temps avant, un abbé (intégriste catholique de l’institut Civitas, ndlr) scandait sans crainte des « Y’a bon Banania ! Y’a bon Taubira ». Des propos qui rappellent ceux tenus par la tête de liste FN aux municipales à Rethel  (Ardennes), Anne-Sophie Leclere, dans un reportage de l’émission « Envoyé spécial »  diffusé  jeudi 17 octobre sur France 2. La Garde des Sceaux est traitée de  « sauvage » et comparée à un « singe ». La candidate FN « préfère voir la ministre de la justice dans les arbres plutôt qu’au gouvernement. » Inutile de prolonger le florilège. Il est abject.
Ce racisme pur et dur, biologique, racialisé et assorti de références animalières est le fait- à n’en point douter- d’une extrême droite qui en a toujours fait son détestable fonds de commerce. Ce ne sont pas des dérapages, qui sont des inattentions, c’est infiniment plus grave ! Il s’agit très clairement d’inhibitions qui disparaissent, de digues qui tombent. Aujourd’hui, il faut le dire avec force, le racisme est frontal, il s’assume, il est décomplexé. Des esprits se banalisent.

INDIGNITES
« La guenon, mange ta banane » n’est pas quelque chose d’anodin. Plutôt une alerte sur l’état de la société française et sur ses dérives. Comment des adultes peuvent-ils se permettre de manipuler ainsi une fillette de 12ans? On aurait aimé que cet incident soit une exception. Mais c’est tout le contraire qui se révèle.
Le constat est celui d’une parole publique qui semble ne plus se fixer d’interdits et se permet toutes les indignités. On l’a vu au moment des polémiques sur les Roms, mais aussi quand, la présidente du FN, Marie Le Pen, a commencé à évoquer le « malaise » devant la barbe des ex-otages ou encore dans les slogans ouvertement homophobes entendus durant les manifestations contre le mariage gay.
Dans l’entretien qu’elle a accordé à « Libération », le 6 novembre dernier, Christiane Taubira évoquait les propos discriminatoires multiples et dénonçait « une attaque au cœur de la République ». Elle a raison.
C’est en premier lieu aux politiques de se poser la question de leur responsabilité dans ces excès nauséabonds. La droitisation assumée de l’UMP a évidemment une incidence sur l’opinion. Les médias aussi doivent se poser la question de leur rôle face à cette radicalisation de la parole. Pour surtout ne pas la banaliser.

SURSAUT REPUBLICAIN

Contre ce genre d’attaque, il n’y a pas d’autre riposte qu’une dénonciation systématique des idées et des propos racistes. Pas d’autre riposte, à chaque fois que c’est possible et pénalement justifié, que la poursuite de leurs auteurs devant les tribunaux. Pas d’autre riposte que l’effort inlassable d’éducation des enfants et des jeunes. Pas d’autre riposte que le rappel intransigeant des principes d’égalité et de fraternité, qui sont le fondement du pacte social et républicain.
Il est temps qu’un sursaut républicain -pour préserver la belle démocratie républicaine - mette fin à cette montée du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance. C’en est trop !
La manifestation « Marche Républicaine », qui se tiendra dimanche  8 décembre prochain, place de la Bastille à Paris, et qui a pour but de « raviver l’esprit républicain », devra montrer que la rue n’est pas le monopole de mouvements réacs, aux relents pétainistes, comme la Manif pour tous, le Printemps français ou encore, plus récemment, les Bonnets rouges, d’inspiration poujadiste. Dans l’espoir que les 100.000 manifestants attendus (selon plusieurs sources) seront au rendez-vous pour porter haut l’étendard d’une France fière de sa diversité.
                                                      
Robert Kongo, correspondant en France

Autour de ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs

Les députés et sénateurs congolais ont moins de trente jours pour examiner et adopter, lors de la session ordinaire de septembre, le projet de loi des finances pour l’exercice 2014 et l’envoyer au Président de la République pour promulgation. Alors que le gouvernement Matata Ponyo n’a pas encore déposé le projet de Budget de l’Etat de l’année prochaine au bureau de l’Assemblée nationale, dans mon dernier ouvrage intitulé « Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs », paru le 15 novembre 2013 chez L’Harmattan à Paris, je propose un budget de plus de 7,75 milliards d’euros, soit plus de 10,2 milliards de dollars US, pour l’année 2014 en vue d’une politique à la hauteur des attentes des Congolaises et des Congolais.

Un programme alternatif
 
Dans cet ouvrage, il n’est nullement question d’envisager un quelconque poste ministériel dans un gouvernement de cohabitation nationale que compte mettre en place le président de la République Démocratique du Congo. Loin de moi l’idée de faire partie d’un cadre gouvernemental dans de circonstances non prévues par la Constitution, lequel ne bénéficie d’aucune majorité parlementaire issue des élections législatives. Il n’est pas non plus dans mes intentions de rentrer dans la ratière au détriment des intérêts du peuple congolais. Je me suis toujours considéré comme un opposant constructif. Est-il que tout le monde me reconnaît comme tel, j’ai l’obligation d’incarner une alternative crédible au régime en place à Kinshasa aussi cohabitationniste soit-il. Et cela passe avant tout par un projet non seulement d’avant-garde, mais surtout crédible.

Un projet chiffré

Le projet que je propose aux Congolaises et aux Congolais est non seulement chiffré, mais il décline le budget pour 2014 afin de soutenir une politique humaniste en matière d’emploi, de santé publique et d’éducation, une politique audacieuse en matière de défense nationale et de diplomatie régionale. Cela ne consiste en rien en une leçon administrée au gouvernement Matata Ponyo qui peine à présenter le sien. En tout cas, je n’ai jamais envisagé la politique comme une adversité sur fond de machiavélisme. Je ne la conçois pas non plus comme une compétition cynique en vue de la prise à tout prix du pouvoir.
Aspirant un jour à présider aux destinées de la République Démocratique du Congo, mes propositions ne peuvent être crédibles que si elles s’appuient sur un budget réaliste. Je ne suis pour rien dans les difficultés qu’éprouvent, s'agissant de ’adoption du budget 2014, le gouvernement en place à Kinshasa. Je ne fais que jouer mon rôle d’opposant consciencieux. Mes prévisions budgétaires, je les ai établies en fonction du budget gouvernemental 2013 et à la suite de différentes observations faites pendant l’exercice qui est en train de s’achever. Mon budget pour 2014, qui est de plus de 7,75 milliards d’euros, pourra être rectifié trois mois après l’exercice 2014. Ainsi atteindra-t-il dans les trois premiers mois de l'exercice gouvernemental, selon les différentes simulations, au moins 10 milliards d’euros grâce à la maîtrise du circuit informel qui génère annuellement plus de 11,13 milliards d’euros.

La déconcentration, un véritable cheval de bataille

On ne peut que se poser des questions sur la politique de décentralisation voulue par le président de la République Démocratique du Congo depuis 2006. Voilà pourquoi, dans mon ouvrage, l’accent est mis sur la déconcentration. Celle-ci consiste à accorder une certaine autonomie à des institutions ne détenant pas de personnalité morale, tandis que la décentralisation abandonne quelques compétences à des institutions dotées de personnalité morale. J’estime que la fonction publique étatique doit être déconcentrée pour assurer efficacement la présence de l’Etat sur la totalité du territoire national et rendre aux populations les services auxquels elles ont droit. Je suis convaincu qu’une déconcentration intelligente et pratique permettra à l’armée nationale congolaise de mieux se déployer dans les différentes zones de défense militaire et de protéger de manière performante, en temps et en heure, la patrie en cas d’agression intérieure ou extérieure. Je suis très soucieux de la meilleure articulation dans la chaîne de commandement des Forces armées de la République Démocratique du Congo.

La diplomatie régionale

Cette diplomatie régionale sur laquelle je me penche concerne notamment les pays des Grands Lacs. Ai-je l’impression que le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda constituent une menace permanente contre la République Démocratique du Congo ? Quand on a été mordu par le serpent, dit un proverbe bantou, on craint même le mille-pattes. Même en étant un homme de dialogue, il me semble qu’un pays immensément riche et ayant neuf voisins est condamné à exceller dans la diplomatie et à se doter d’une armée dissuasive. Cela lui permettra d’être non seulement craint, mais aussi de garantir la paix à ses populations. Je tiens beaucoup à l’intégrité du territoire national et à notre souveraineté au regard de la communauté internationale.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Titre : Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs
Editeur : L’Harmattan
Collection : Etudes Africaines
ISBN : 978-2-343-02079-2

mardi 12 novembre 2013

RD Congo : Faudra-t-il négocier la paix avec le M23 en pleine débandade, ou avec ses parrains rwandais et ougandais ?

Après plusieurs mois des pourparlers, lesquels ont été entamés le 9 décembre 2012, le gouvernement congolais et les rebelles du M23 n’ont pu signer le 11 novembre 2013 un accord à Kampala. La question de l’intégration des rebelles dans l’armée a longtemps bloqué ces discussions. Le gouvernement congolais ayant tenu à juste titre à signer une simple déclaration de reddition, et non un accord, les négociations ont été reportées sine die. De plus, la rébellion réclamait une amnistie collective tandis que Kinshasa s’est opposé à l’intégration des rebelles accusés de crimes de guerre, ainsi que de crimes contre l’Humanité, et a établi une liste des rebelles exclus de toute intégration.
Les précédents accords et déclarations
Dans le passé, des accords entre les belligérants congolais ont été signés en vue de la stabilisation de la région du Kivu. Il en a été de même pour des déclarations conjointes entre Kinshasa et Kigali[1].
L’accord de Goma, signé par 22 groupes armés ainsi que par le gouvernement congolais, était précédé d’un accord du mois de novembre 2007 entre les gouvernements de la République Démocratique du Congo et du Rwanda, connu sous l’appellation de « Communiqué de Nairobi », en vue du règlement de l’épineux problème du Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR). D’après l’article III de l’accord de Goma, tous les signataires se sont engagés à respecter à la lettre le droit international humanitaire et les droits de l’Homme, c’est-à-dire à mettre un terme à tout acte de violence et abus à l’encontre des populations civiles[2]. Ces deux accords, auxquels il faudra ajouter les recommandations de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement organisée par le gouvernement congolais au début de l’année 2008, ont servi de base au programme de paix gouvernemental pour l’Est du Congo-Kinshasa, connu sous le nom de « Programme Amani ». Celui-ci n’a malheureusement pas abouti à des améliorations tangibles pour les populations de la région du Kivu et de la province orientale, la communauté internationale et le gouvernement congolais n’ayant pu garantir, à défaut d’une réelle volonté politique, le financement nécessaire afin de matérialiser ce programme de paix.
Le réaménagement de la CEPGL[3]
On doit surtout avoir à l’esprit, au-delà de la signature d’un accord entre Kinshasa et le M23, de l’avenir de la pacification de la région des Grands Lacs, plus précisément de l’entente entre les peuples rwandais, burundais et congolais. Dans la même optique, la problématique de la redynamisation de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) a également été abordée dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et a fait l’objet d’un rapport en octobre 2005. Dans le même ordre d’idées, l’AWEPA[4] a plaidé dans ses travaux – en particulier dans la « Déclaration de Kigali » d’avril 2005 et dans la « Déclaration de Kinshasa » de novembre 2005 – en faveur de la redynamisation de la Communauté économique des pays des Grands Lacs.
Le gouvernement de cohésion nationale ?
La signature d’un accord entre les rebelles du 23 et le gouvernement de Kinshasa ne suffit pas pour mettre définitivement un terme au conflit dans la partie orientale de la République démocratique du Congo. La mise en place d’un gouvernement de cohésion nationale ne permettra pas, non plus, à atteindre à court et moyen terme cet objectif. En effet, à la suite de la neutralisation de la principale rébellion, deux options s’offre à Joseph Kabila. Soit il se contentera d’un remaniement gouvernemental en élargissant sa majorité au détriment de l’opposition, soit il nommera un Premier ministre issu de l’opposition. Dans le premier cas de figure, il s’agira d’un simple partage de pouvoir sans conséquence bénéfique pour le peuple congolais. Dans le second cas, le Premier ne disposant guère de majorité parlementaire, son gouvernement sera complètement à la botte du président de la République. De toute évidence, une simple tactique politicienne confortera davantage l’opposition, encore faudra-t-il qu’elle soit à la hauteur des attentes des populations, aux échéances électorales de 2016.
La résolution de la crise[5]
Que faudra-t-il alors faire pour juguler la crise dans l’Est de la République Démocratique du Congo ? Le gouvernement congolais doit-il signer un accord de paix avec des éléments du M23 en pleine débandade, ou alors avec leurs parrains rwandais et ougandais ?
Concrètement, comme l’a d’ailleurs souligné dans le passé la société civile congolaise, il va falloir pousser publiquement tous les groupes armés à se conformer aux obligations de l’accord de Goma et à indiquer que les abus contre les civils seraient passibles de sanctions. Ensuite, il faudra nommer un conseiller spécial indépendant, de haut niveau, sur les droits humains pour l’Est du Congo-Kinshasa afin de mettre la question des droits fondamentaux, y compris les violences sexuelles et l’enrôlement d’enfants soldats, au cœur des discussions de paix. Enfin, il faudra soutenir des efforts de médiation en finançant des programmes de maintien de la paix et renforcer la protection des populations civiles. Cela obligera des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration afin d’aider les soldats à trouver des alternatives durables à la violence, ainsi que des programmes relatifs aux causes du conflit en s’axant sur les initiatives de paix, sur la réconciliation et sur la résolution des conflits fonciers. Cela nécessitera également l’implication de la communauté internationale en vue du respect, par les pays des Grands Lacs, des frontières étatiques et de la non-ingérence dans les affaires intérieures de chaque pays.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
[1] En tant que faiseur des rébellions, le Rwanda a simultanément soutenu le Congrès national de défense du peuple (CNDP) dirigé par des criminels comme Laurent Nkunda et Bosco Ntaganda et le M23.
[2] In Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, L’Harmattan, Paris, novembre 2013.
[3] Lire La République Démocratique du Congo, un combat pour la survie, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, L’Harmattan, Paris, 2010.
[4] The Association of European Parliamentarians for Africa, structure regroupant des parlementaires européens partenaires de l’Afrique.

vendredi 8 novembre 2013

Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs : très prochainement en librairie en France

Ma vision pour le Congo-Kinshasa, c’est celle d’un pays capable de conjuguer le dynamisme économique avec la justice sociale ; c’est celle d’un pays qui fait le choix de la paix, de la croissance et de l’État de droit. C’est en surmontant les défis de la compétitivité et de la solidarité que les Congolais bâtiront le Congo-Kinshasa du troisième millénaire. C’est en privilégiant la conception républicaine qu’ils consolideront la cohésion nationale. Ainsi feront-ils triompher la démocratie.
Pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko, il est inimaginable qu’un projet puisse être viable dans la région des Grands Lacs tant que le Congo-Kinshasa n’a pas retrouvé sa pleine souveraineté, tant que la confiance n’est pas rétablie entre les peuples congolais, burundais et rwandais. En tout cas, les pays limitrophes ont plus besoin de la stabilité et du développement économique de leur grand voisin plutôt que de ses ressources naturelles. De plus, un Congo-Kinshasa pacifié servira in fine de vivier à la région des Grands Lacs et à toute l’Afrique centrale.

 L'auteur :

Gaspard-Hubert Lonsi Koko est un homme qui entend avant tout concilier l’humanisme et la démocratie, une thèse contradictoire avec le « statu quo ante ». Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique et La République Démocratique du Congo, un combat pour la survie.

Editeur : L'Harmattan
Prix : 15,50 euros

mercredi 6 novembre 2013

RD Congo : Une victoire militaire à confirmer diplomatiquement

Par la voix de Lambert Mende, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, le pouvoir en place à Kinshasa a annoncé que « les derniers résidus du M23 [venaient] d’abandonner leurs retranchements de Chanzu et Runyonyi sous la pression des [FARDC] ». Une « victoire totale de la République Démocratique du Congo », aux dires de Lambert Mende, confirmée par le lieutenant-colonel Olivier Hamuli, porte-parole de l’armée nationale congolaise pour la province du Nord-Kivu. Des éléments de la brigade d’intervention de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (Monusco) se sont joints aux forces gouvernementales pour neutraliser les positions rebelles, après la mort de six civils tués par des chutes d’obus sur la vielle de Bunagana. Le chef militaire des rebelles, Sultani Makenga, aurait fui vers le Rwanda où de nombreux rebelles ont également trouvé refuge, ainsi qu’en Ouganda.
Soutenues logistiquement par les casques bleus de la Monusco, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont repris depuis le 25 octobre 2013, au terme d’une offensive foudroyante, la totalité du territoire qu’occupaient les éléments du M23 pendant dix-huit mois. En quatre jours, les villes de Kibumba, de Kiwanja, de Rutshuru et de Rumangabo, les bastions de la rébellion, ont été récupérées par l’armée gouvernementale. La victoire des FARDC sur les poulains du Rwanda et de l’Ouganda, comme a claironné Lambert Mende ? Pas si évident. 

La cessation des combats et la dissolution du M23

Le président des rebelles du M23, Bertrand Bisimwa, a ordonné le 3 novembre dernier à tous ses combattants de cesser dans l’immédiat les hostilités avec l’armée congolaise, laquelle avait pris sérieusement le dessus sur les champs de bataille. En référence aux négociations en cours à Kampala, il a prétendu agir de la sorte « pour permettre la poursuite du processus politique». Après la débandade d’au moins 300 rebelles qui se sont retranchés sur les collines de Mbuzi, de Chanzu et de Runyonyi – à environ 80 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu –, Bertrand Bisimwa a dans la foulée publié une déclaration de « fin de rébellion » en annonçant l’intention du M23 de « poursuivre, par des moyens purement politiques, la recherche des solutions aux causes profondes qui ont présidé à sa création ». Ainsi a-t-il appelé le chef d’état-major et les commandants des grandes unités du M23 de « préparer les hommes des troupes au processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion sociale dont les modalités [seraient] à convenir avec le gouvernement [congolais] ».

Le respect de la souveraineté territoriale congolaise

Très curieusement, un appel aux rebelles congolais du M23 a été lancé le 5 novembre à Pretoria par les pays africains voisins de la République Démocratique du Congo pour qu’ils renoncent à la rébellion afin de permettre la signature rapide d’un accord de paix. Pourquoi une telle précipitation, sachant que lesdits Etats se sont toujours montrés moins pressés quand le M23 avait, sur le terrain, l’avantage sur l’armée loyaliste ? Veut-on à tout prix façonner l’argile pendant qu’elle est encore humide, dans l’optique d’amnistier les rebelles et de les réintroduire dans les institutions étatiques pour mieux finaliser la politique d’infiltration ? Espère-t-on en réalité obtenir diplomatiquement ce qui vient d’être perdu par les armes ?
On ne peut agir cyniquement, comme si rien de dramatique ne s’est passé dans le Nord-Kivu. Il est inhumain de passer par pertes et profits les 10 millions de morts congolais. On ne peut pas continuer à cautionner l’impunité en faveur des groupes rebelles. Agir de la sorte consiste à fermer les yeux sur les crimes de guerre et crimes contre l’Humanité commis en République Démocratique du Congo. Le problème n’est pas tant d’accepter « publiquement » l’annonce du démantèlement de la rébellion pour permettre la signature d’un « accord final », mais de faire respecter la souveraineté territoriale congolaise par le Rwanda et l’Ouganda. Quelques préalables doivent être absolument respectés.

Les conditions en vue d’une paix durable

En tout cas, un « accord formel » ne vaudra rien tant qu’aucune garantie ne sera apportée par le Rwanda et l’Ouganda quant au respect de différents accords de non-agression et à la non-assistance aux forces négatives. Trois facteurs sont décisifs en vue de l’entente cordiale dans la région des Grands Lacs.
Primo, seule la condamnation officielle des parrains du M23 garantira la souveraineté de la République Démocratique du Congo. Secundo, tant qu’aucun mécanisme de suivi des accords déjà ratifiés n’est habilité à sanctionner les signataires fautifs, d’autres rébellions risquent de voir le jour non pas forcément dans la région du Nord-Kivu, où les forces onusiennes sont présentes, mais dans d’autres provinces comme le Katanga. Tertio, il est impossible d’envisager le réaménagement de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) tant que les peuples rwandais, burundais et congolais ne se réconcilieront pas. Cela ne sera pas envisageable tant que la République Démocratique du Congo n’aura ni fait son deuil, ni réformé totalement son système défensif.
Face aux rebelles du M23, le gouvernement congolais doit désormais se comporter en vainqueur. Sa magnanimité, s’il en faut, ne doit en rien hypothéquer l’avenir d’un peuple qui, depuis 1997, n’a cessé de vivre un calvaire. Kinshasa doit donc imposer sa volonté aux vaincus, et mettre le Rwanda et l’Ouganda dans l’obligation de ne plus s’ingérer dans ses affaires intérieures. Telles sont les conditions sine que non en vue d’une paix durable dans la région des Grands Lacs africains. De toute évidence, au risque de retourner à la case départ, la victoire militaire des FARDC doit être confirmée par le gouvernement congolais sur le plan diplomatique.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
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mardi 5 novembre 2013

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko

1.Comment réagissez-vous au succès de la contre-offensive des FARDC dans les territoires occupés du Nord-Kivu, en vue d’y rétablir une paix durable ?
Au-delà de toute considération politique, tout Congolais doit applaudir les différentes victoires des FARDC sur les criminels du M23. Au nom du Bureau de coordination de la DCFD, je félicite nos vaillants soldats qui n’ont cessé de croire, dans les moments difficiles et dans l’humiliation, en leur mission consistant à défendre le territoire national. Mes collaborateurs et moi-même, nous leur rendons solennellement un vibrant hommage. De toute évidence, en bon patriote, je ne peux que me réjouir de la débandade des poulains du Rwanda et de l’Ouganda. Je souhaite vivement que les FARDC viennent très vite à bout des autres forces négatives, parmi lesquelles figurent les éléments du FDLR. J’ose également espérer que le gouvernement central assurera, dans un bref délai, la présence étatique sur les territoires repris aux agresseurs et exclura l’éventualité de l’impunité des criminels ayant cyniquement violé les lois de la République.


2. L’option militaire ne serait-elle pas finalement la meilleure solution pour régler rapidement le problème du M23 ?
La force armée a toujours été l’un des outils permettant à la diplomatie de mettre, en cas de renversement de rapport de force, une menace à exécution. Une victoire militaire sur les champs de bataille ne peut que renforcer le gouvernement congolais dans l’optique de la finalisation des pourparlers de Kampala. De plus, dans toute négociation, le vaincu subit en principe la loi du vainqueur. La RD Congo est maintenant en masure de pratiquer, au regard des forces négatives responsables de la déstabilisation de la partie orientale, la politique de la carotte et du bâton. Dans le cas en l’espèce, je considère l’armée nationale comme non seulement le bras armé de la diplomatie congolaise, mais surtout la protectrice du sanctuaire national.


3. D’aucuns soutiennent que l’offensive militaire risque de mettre en péril les pourparlers de Kampala. Est-ce également votre avis ?
N’oublions pas que le médiateur des pourparlers de Kampala, en l’occurrence le président Yoweri Kaguta Museveni, n’est pas du tout impartial. Devons-nous toujours rester statiques au risque d’exposer nos femmes et nos enfants aux violences sexuelles ? Devons-nous toujours courber sans cesse l’échine au point d’encourager des millions de pertes en vies humaines ? Devons-nous systématiquement rester impuissants face aux pillages organisés de nos ressources naturelles ? Devons-nous accepter tacitement la balkanisation de notre pays ? Nous avons l’obligation patriotique de nous lever, de prendre les armes, de défendre vaillamment nos populations et de bouter nos ennemis dehors. S’il faut que l’offensive militaire mette en péril des négociations, dont l’arbitre est juge et partie, je ne peux que me réjouir et saluer les forces de l’esprit d’avoir impitoyablement permis un baptême du feu du tonnerre sur des pantins aux services d’un Bismarck de pacotille et d’un Napoléon sorti droit d’un horrible dessin animé. La patrie d’abord !


4. Ne redoutez-vous pas que l’armée rwandaise intervienne directement, sur le terrain, auprès du M23 ?
Dès lors que nos valeureux soldats ont fait résonner les bruits de bottes sur les différents champs de bataille, il y a de fortes chances que les loups sortent du bois. Après tout, ne faut-il pas montrer à la face du monde que le M23 est l’œuvre des pays frontaliers ? De toute façon, à travers les éléments du M23, les FARDC combattent en réalité les armées rwandaise et ougandaise. L’implication directe de ces deux pays ne fera que confirmer le secret de polichinelle que nous avons toujours dénoncé. La RD Congo a intérêt à pousser cette crise jusqu’au bout du paroxysme, libre à ce que la guerre se poursuive jusqu’à Kigali et à Kampala. Celui qui veut la paix doit forcément gagner la guerre, surtout quand celle-ci lui est imposée.


5. Une table ronde regroupant  les représentants de la Tanzanie, l’Ouganda, la RDC, le Rwanda, le Burundi, l’UA et le Conseil de sécurité des Nations unies, serait également une solution pour résoudre les problèmes de paix, de sécurité et de coopération dans la région des Grands Lacs. Qu’en pensez-vous ?
Je ne peux que me prononcer en faveur des négociations avec le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda. De plus, une victoire militaire n’est longtemps bénéfique que si elle permet d’enrayer définitivement les causes ayant été à l’origine d’une guerre. J’exhorte donc le gouvernement congolais à participer, en tant que vainqueur, aux différentes négociations afin d’imposer le respect des accords de non-agression et les sanctions contre les agresseurs, d’obtenir la responsabilité à la fois morale et civile des commanditaires. Bref, je demande « avec force et vigueur » au gouvernement congolais d’exiger des réparations en vue de la reconstruction de la région du Kivu. La réconciliation régionale et le réaménagement de la CEPGL ne se feront qu’en fonction de ces exigences. J’ai dit !


Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France


(*) Porte-parole de la Diaspora congolaise favorable au dialogue (DCFD)


Copyright Le Potentiel

mercredi 30 octobre 2013

RD Congo: vers un règlement définitif de la crise du Kivu?

Les rebelles du M23 fuient devant l'avancée de l'armée congolaise, qui gagne du terrain jour après jour. Le Nord Kivu, cette riche région du nord-est de la République démocratique du Congo qui attire la convoitise de pays voisins, au premier rang desquels le Rwanda ou l'Ouganda, réintègre la mère-patrie à mesure de l'avancée des soldats.
Des éléments du M23 pr-ès de Goma, capitale du Nord-Kivu. Photo : Gabe Joselow/Wikimedia Commons / cc
Cependant, la guerre n'est pas gagnée et la rébellion du M23 n'est qu'un élément de la crise du Kivu. Explications avec Gaspard-Hubert Lonsi Koko, essayiste et observateur des rapports Nord-Sud.
L’armée congolaise, appuyée par les forces de l’ONU, semble gagner de plus en plus de terrain face au M23. Peut-on déjà parler de déroute ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Il est plus prudent de ne pas vendre la peau de l’ours avant d’être sûr de l’avoir abattu. Neutraliser les éléments du M23 est une chose. Stabiliser complètement la région du Kivu en est une autre. Le M23 étant l’émanation du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), rien ne garantit que sa décapitation ne va pas générer d’autres mouvements armés. Raison pour laquelle la victoire militaire sur ce groupe rebelle doit être accompagnée d’un accord de non-agression entre le Rwanda, l’Ouganda et la RD Congo – l’objectif est de pacifier pour longtemps la région des Grands Lacs.
Le chef de la Monusco, Martin Kobler, a également parlé de « la fin militaire du M23 ». Peut-on alors croire à la fin de la crise du Kivu ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La crise est tellement profonde qu’elle ne sera pas résolue par la simple neutralisation du M23. Le pillage des minerais et la volonté expansionniste sont les causes premières de la déstabilisation du Kivu. Il va falloir que les dirigeants rwandais et ougandais, ainsi que les puissances extracontinentales qui soutiennent les groupes armés sur le sol congolais puissent renoncer à leurs agendas cachés. Il va falloir aussi œuvrer en vue d’une réelle réconciliation entre les populations régionales pour que l’on puisse envisager sérieusement le réaménagement de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL).
Les pays observateurs de la RDC appellent au retour des négociations avec le M23. Pourtant, Kinshasa semble privilégier l’option militaire jusqu’à l’anéantissement de la rébellion. Pourquoi cet acharnement ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : On ne peut pas mettre en cause la volonté de Kinshasa à trouver une solution pacifique à la dramatique situation en cours dans le Nord-Kivu. Par de nombreuses tergiversations, le M23 et ses parrains ont joué avec le feu. Fallait-il que ce feu s’abatte impitoyablement sur eux pour qu’ils deviennent raisonnables ? Certes, un enfant ne reconnaît les conséquences du feu qu’après s’être brûlé. Kinshasa est en droit de rétablir l’ordre dans le Kivu et d’assurer la défense de son territoire. S’il faut reprendre les pourparlers de Kampala, les discussions doivent se faire sur la base des lois congolaises violées par les éléments du M23, sur les soutiens apportés aux rebelles par le Rwanda et l’Ouganda et sur les poursuites des auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.
Quelle est la position du Rwanda, unanimement accusé de soutenir le M23, face à cette déroute ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Pour voler au secours de ses poulains en pleine débandade, le Rwanda menace d’intervenir sur le sol congolais en cas de dégâts collatéraux. Pathétique réaction. Si le président Kagamé veut jouer à ce jeu, la guerre finira là où il a été planifié qu'elle s'achève, c’est-à-dire à Kigali. De plus, le peuple congolais est enfin déterminé à s’appuyer sur l’obstacle et non à s’ingénier sans cesse à le contourner.
Certains observateurs estiment qu’il faudrait désormais arrêter de nier que le M23 n’est pas sous la coupe du Rwanda et soutenir des négociations directement entre Kigali et Kinshasa. Qu’en pensez-vous ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Pour discuter directement avec le Rwanda, il fallait que Paul Kagamé abatte ses dernières cartes. Il ne pouvait le faire qu’à la suite de la neutralisation du M23. Le peuple congolais a toujours été non belliqueux. Une initiative allant dans le sens de la pacification de la région des Grands Lacs ne peut qu’obtenir son aval. Encore faut-il que les dirigeants rwandais et burundais soient sincères. Quand on a été mordu par le serpent, on craint même le mille-pattes. C’est une question de confiance. Celle-ci ne se rétablira pas naturellement, du jour au lendemain. Il faut des vrais hommes et femmes d’Etat, du côté congolais et rwandais, pour éteindre le feu. Le bon sens voudrait que chacun mette un peu d’eau dans le vin de palme.
A quoi pourraient mener de telles négociations ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : A éviter que les violations des droits fondamentaux de la personne humaine ne se reproduisent. A s’atteler à la pacification de la région des Grands Lacs. A consolider des accords de non-agression et à mettre en place des mécanismes pouvant sanctionner leur violation. A respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté des pays de la région… A vivre en bonne intelligence et dans la compréhension mutuelle… A montrer au reste du monde que les êtres humains sont capables de transformes les problèmes en quelque chose de bien...
Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

mardi 29 octobre 2013

Regain de tensions en RD Congo

Depuis plusieurs jours, l’on assiste à une intensification de l’offensive de l’armée congolaise contre les troupes du M23. Objectif : un affaiblissement significatif de la rébellion, et, à terme, un désarmement par la force de cette dernière. Dans le même temps, le chef de l’Etat, Joseph Kabila, a invité avec une rare fermeté, tous les groupes armés au désarmement volontaire, estimant par ailleurs que les négociations en cours entre les représentants du gouvernement et ceux du M23 n’offraient pas de conclusions immédiates. Dans ce contexte, l’annonce de la formation d’un gouvernement dit de « cohésion nationale » est diversement accueillie par la classe politique. A l’Est du pays, comme dans la capitale, la sortie de crise est loin d’être acquise. Détails et explications dans ce Grand Débat.
Invités :
Gaspard-Hubert Lonsi Koko, Essayiste réformiste, auteur de « Congo-Kinshasa : Le degré zéro de la politique », aux éditions L’Harmattan
Edouard Olito, Délégué en France de l’UPDS (Union pour le progrès et la démocratie sociale)
Martin Fayulu, Président des Forces acquises au changement (FAC) Zobel Behalal, Chargé de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire, depuis Goma
Débatteur Polémiste invité :
Thiambel Guimbayara, Directeur de la rédaction de « La Voix du Mali »

Pour écouter l'émission, prière de cliquer sur le lien ci-contre : http://www.africa1.com/spip.php?article37166

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko

1. Quelle lecture faites-vous des mesures prises par le président Joseph Kabila à la suite des concertations nationales ?
On ne peut qu’être favorable aux mesures prises par le président de la République à la suite des concertations nationales, dès lors qu’elles vont globalement dans le sens de nos revendications. Néanmoins, au regard de la Constitution, je ne peux que m’interroger sur le comité national de suivi des recommandations. Il en est de même pour le gouvernement de cohésion nationale que l’on compte mettre en place. Quel statut définira désormais les personnalités de l’opposition qui intégreront ce gouvernement ? L’existence du Sénat et des Assemblées provinciales, dont les mandats sont déjà expirés, relève-t-elle de la simple volonté du président de la République ? En tout cas, force est de constater que les résolutions présidentielles recommandent la mise en place de mesures n’ayant pas été prises, voire non appliquées, par les différents gouvernements depuis 2001.


2. Un gouvernement de cohésion nationale constitue un avantage dans le contexte de la crise actuelle au Congo, dit-on. Mais vous ne semblez pas vraiment partager cet avis…
Je ne pense pas du tout qu’un gouvernement composé de différentes factions de la classe politique et de la société civile congolaises soit forcément la réponse appropriée à la crise à la fois sécuritaire et politique. Seul un gouvernement issu d’une majorité parlementaire peut parvenir au rétablissement de la paix, à la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, à la consolidation de la cohésion nationale, au progrès économique, à l’amélioration des conditions sociales de la population et à l’Etat de droit. Le président de la République aurait dû dissoudre l’Assemblée nationale, dans l’optique de rendre aux institutions étatiques leur légitimité à la suite des élections législatives fiables, crédibles et transparentes.

3. « Le projet funeste du démembrement organisé de notre pays est inévitablement voué à l’échec », a assuré le président Joseph Kabila. Qu’en pensez-vous ?
Il est difficile, à moins d’être naïf, de s’imaginer que les conclusions des concertations nationales auront un impact réel sur la dégradation de la dramatique situation en cours dans l’Est. Dès lors qu’elles n’ont pas abordé sur le fond les vraies causes de la guerre qui déstabilise la partie orientale, leur application n’empêchera en aucun cas la réalisation du projet macabre de balkanisation du Congo. N’oublions surtout pas que, derrière les éléments du M23, se cachent des Etats limitrophes et des multinationales étrangères. Toutes les tentatives diplomatiques ayant échoué, seule une victoire militaire sur les différents champs de bataille pourra mettre un terme au « projet funeste du démembrement de notre pays » et non le partage du pouvoir dans le cadre d’un gouvernement de cohésion nationale. Seul l’état d’urgence pourra justifier la mise en place d’un gouvernement de salut public. Or, l’initiative du président de la République s’apparente plutôt à un remaniement gouvernemental dans le but de débaucher quelques opposants. Ainsi espère-t-il affaiblir, voire décapiter, l’opposition.


4. Croyez-vous que les groupes armés vont « déposer les armes » et « se rendre », comme l’ a demandé le président Joseph Kabila ?
Croyez-vous que ces différents groupes armés déposeront les armes tant que des pans entiers de la région du Kivu resteront des « no man’s lands », c’est-à-dire des Fars West, des zones de non-droit ? C’est un vœu pieux de s’imaginer qu’ils agiront de la sorte lorsque l’on connaît la faiblesse militaire de l’armée congolaise, laquelle ne doit ses dernières avancées que grâce au soutien des casques bleus des Nations Unies. Tant que l’Etat congolais sera absent sur l’ensemble du territoire national, les seigneurs de guerre auront longtemps de beaux jours devant eux. Par ailleurs, les véritables intentions des présidents rwandais et ougandais laissent augurer la probabilité d’une intervention militaire du Rwanda et de l’Ougandais aux côtés des éléments du M23, sur le sol congolais. En effet, des puissances extracontinentales comptent à tout prix transformer la partie orientale de la RD Congo en une « zone franche », dont Paul Kagame et Yoweri Kaguta Musveni seront des sous-préfets.

5. Qui est capable d’ordonner la fin de la guerre dans l’Est, selon vous ?
En tout cas, ni l’organisateur des pourparlers de Kampala ni l’actuel homme fort de Kigali. La solution ne pourra être que, en grande partie, congolaise. Le peuple congolais doit avoir le courage d’exprimer, par tous les moyens, son ras-le-bol. Il doit dénoncer la situation macabre en cours dans la partie orientale de la RD Congo et soutenir les FARDC sur les champs de bataille. Il lui revient d’organiser sur le terrain la résistance aux ennemis de la Nation, de faire un travail sérieux de lobbying sur les plans continental et international pour que cessent définitivement les violations des droits fondamentaux dans le Kivu et dans la province orientale. Il doit agir patriotiquement afin de traduire les auteurs des crimes contre l’Humanité devant les juridictions idoines.


Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France
(*) Délégué et porte-parole de la Diaspora Congolaise Favorable au Dialogue (DCFD)


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mardi 22 octobre 2013

Les concertations nationales en RDC sur Radio Vexin

Samedi 26 octobre, 16 h 00

 
Robert Kongo vous propose une émission sur les concertations nationales en RDC, « gage » de la cohésion nationale. Un sujet qui fait actuellement débat au sein de la classe politique congolaise. Elle sera co-présentée avec Nzunga Mbadi, journaliste à Afrique.TV et à Panafrica international.
Invité : Gaspard-Hubert Lonsi Koko, essayiste, acteur politique congolais, délégué et porte-parole de la Diaspora Congolaise Favorable au Dialogue (DCFD).

© Radio Vexin