mardi 29 octobre 2013

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko

1. Quelle lecture faites-vous des mesures prises par le président Joseph Kabila à la suite des concertations nationales ?
On ne peut qu’être favorable aux mesures prises par le président de la République à la suite des concertations nationales, dès lors qu’elles vont globalement dans le sens de nos revendications. Néanmoins, au regard de la Constitution, je ne peux que m’interroger sur le comité national de suivi des recommandations. Il en est de même pour le gouvernement de cohésion nationale que l’on compte mettre en place. Quel statut définira désormais les personnalités de l’opposition qui intégreront ce gouvernement ? L’existence du Sénat et des Assemblées provinciales, dont les mandats sont déjà expirés, relève-t-elle de la simple volonté du président de la République ? En tout cas, force est de constater que les résolutions présidentielles recommandent la mise en place de mesures n’ayant pas été prises, voire non appliquées, par les différents gouvernements depuis 2001.


2. Un gouvernement de cohésion nationale constitue un avantage dans le contexte de la crise actuelle au Congo, dit-on. Mais vous ne semblez pas vraiment partager cet avis…
Je ne pense pas du tout qu’un gouvernement composé de différentes factions de la classe politique et de la société civile congolaises soit forcément la réponse appropriée à la crise à la fois sécuritaire et politique. Seul un gouvernement issu d’une majorité parlementaire peut parvenir au rétablissement de la paix, à la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, à la consolidation de la cohésion nationale, au progrès économique, à l’amélioration des conditions sociales de la population et à l’Etat de droit. Le président de la République aurait dû dissoudre l’Assemblée nationale, dans l’optique de rendre aux institutions étatiques leur légitimité à la suite des élections législatives fiables, crédibles et transparentes.

3. « Le projet funeste du démembrement organisé de notre pays est inévitablement voué à l’échec », a assuré le président Joseph Kabila. Qu’en pensez-vous ?
Il est difficile, à moins d’être naïf, de s’imaginer que les conclusions des concertations nationales auront un impact réel sur la dégradation de la dramatique situation en cours dans l’Est. Dès lors qu’elles n’ont pas abordé sur le fond les vraies causes de la guerre qui déstabilise la partie orientale, leur application n’empêchera en aucun cas la réalisation du projet macabre de balkanisation du Congo. N’oublions surtout pas que, derrière les éléments du M23, se cachent des Etats limitrophes et des multinationales étrangères. Toutes les tentatives diplomatiques ayant échoué, seule une victoire militaire sur les différents champs de bataille pourra mettre un terme au « projet funeste du démembrement de notre pays » et non le partage du pouvoir dans le cadre d’un gouvernement de cohésion nationale. Seul l’état d’urgence pourra justifier la mise en place d’un gouvernement de salut public. Or, l’initiative du président de la République s’apparente plutôt à un remaniement gouvernemental dans le but de débaucher quelques opposants. Ainsi espère-t-il affaiblir, voire décapiter, l’opposition.


4. Croyez-vous que les groupes armés vont « déposer les armes » et « se rendre », comme l’ a demandé le président Joseph Kabila ?
Croyez-vous que ces différents groupes armés déposeront les armes tant que des pans entiers de la région du Kivu resteront des « no man’s lands », c’est-à-dire des Fars West, des zones de non-droit ? C’est un vœu pieux de s’imaginer qu’ils agiront de la sorte lorsque l’on connaît la faiblesse militaire de l’armée congolaise, laquelle ne doit ses dernières avancées que grâce au soutien des casques bleus des Nations Unies. Tant que l’Etat congolais sera absent sur l’ensemble du territoire national, les seigneurs de guerre auront longtemps de beaux jours devant eux. Par ailleurs, les véritables intentions des présidents rwandais et ougandais laissent augurer la probabilité d’une intervention militaire du Rwanda et de l’Ougandais aux côtés des éléments du M23, sur le sol congolais. En effet, des puissances extracontinentales comptent à tout prix transformer la partie orientale de la RD Congo en une « zone franche », dont Paul Kagame et Yoweri Kaguta Musveni seront des sous-préfets.

5. Qui est capable d’ordonner la fin de la guerre dans l’Est, selon vous ?
En tout cas, ni l’organisateur des pourparlers de Kampala ni l’actuel homme fort de Kigali. La solution ne pourra être que, en grande partie, congolaise. Le peuple congolais doit avoir le courage d’exprimer, par tous les moyens, son ras-le-bol. Il doit dénoncer la situation macabre en cours dans la partie orientale de la RD Congo et soutenir les FARDC sur les champs de bataille. Il lui revient d’organiser sur le terrain la résistance aux ennemis de la Nation, de faire un travail sérieux de lobbying sur les plans continental et international pour que cessent définitivement les violations des droits fondamentaux dans le Kivu et dans la province orientale. Il doit agir patriotiquement afin de traduire les auteurs des crimes contre l’Humanité devant les juridictions idoines.


Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France
(*) Délégué et porte-parole de la Diaspora Congolaise Favorable au Dialogue (DCFD)


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