lundi 5 mai 2014

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko

1. Comment réagissez-vous à l’ opération « Mbata ya mokolo » initiée par les autorités du Congo-Brazzaville ?
La dénomination de l’opération menée à l’encontre de nos compatriotes lui confère une connotation provocatrice. Les expulsés sont-ils victimes d’un règlement de compte entre Kinshasa et Brazzaville ? S’agit-il d’une concertation régionale, dans la mesure où l’Angola menace à son tour d’expulser de force nos ressortissants en situation irrégulière ? Faudra-t-il voir, à travers les positions de Brazzaville et de Luanda, une volonté manifeste dans l’espoir d’un mécontentement populaire à Kinshasa, ou alors un acte prémédité consistant à infiltrer des éléments subversifs dans notre territoire ? J’ose espérer que la sagesse reprendra le dessus. Je souhaite que, sur les deux rives du fleuve Congo, l’on sache rassembler tout ce qui est épars. Par conséquent, je demande personnellement aux présidents Denis Sassou Nguesso – l’aîné que je reconnais comme tel – et Joseph Kabila de pendre en compte, dans les relations entre nos deux pays, la dimension étatique en vue du plus grand bienfait de nos populations.

2. Approuvez-vous la démarche des autorités de Kinshasa qui ne recherchent que des issues diplomatiques et pacifiques à cette opération au lieu d’une réplique musclée, comme le souhaite la population ?
Nos 50 000 expulsés en trois semaines représentent, aux dires de Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement de Kinshasa, 5 à 8 % seulement de nos ressortissants vivant au Congo-Brazzaville dont les documents administratifs ne sont pas en règle. Pays souverain, le Congo-Brazzaville est en droit de décider librement de sa politique en matière d’immigration. De ce fait, la position de Kinshasa est compréhensible. On ne résout pas les rapports entre Nations par la passion. La fraternité entre nos deux peuples nécessite que les expulsions se fassent dans le respect des droits fondamentaux de la personne humaine. En effet, nos dirigeants respectifs doivent avoir présentes à l’esprit les obligations morales qui cimentent nos relations. La concorde régionale doit être prise en compte dans l’amélioration et la poursuite d’un bon voisinage. Aucune entrave à ce principe ne doit donc être tolérée. Les dirigeants de nos pays doivent sans arrêt chercher la vérité en vue de la solidarité. La violence n’a jamais rien arrangé. Dans ce moment difficile, nos cœurs devront plutôt se rapprocher en même temps que nos mains pour que la grandeur de ce geste et son sens profond puissent lier davantage nos deux peuples dans le temps présent et dans le futur. La diplomatie et les échanges commerciaux doivent rapprocher encore plus nos populations respectives. Il faudra travailler sans relâche à conserver les liens millénaires ayant toujours unis les Congolais de Brazzaville et ceux de Kinshasa.

3. Les tortures, les tueries, les insultes, les vols, les viols…Les RD Congolais ne sont-ils pas devenus  la risée du monde et de l’Afrique ?
Tout en n’étant pas mobutiste, je reconnais que, sous le règne du maréchal Mobutu, nous n’avons jamais été humiliés de la sorte par nos voisins. C’est l’absence de l’Etat qui fait que nous soyons devenus la risée de tout le monde. Nos voisins ne nous prendrons en considération que lorsque nous nous respecterons nous-mêmes. Ainsi devons-nous bâtir un Etat de droit et tabler nos relations avec les pays limitrophes sur la base du droit international.

4. En tant qu’acteur politique RD Congolais , quelles mesures préconiseriez-vous pour répondre à ces pratiques barbares qui n’honorent pas le genre humain ? 
Seules la tolérance mutuelle, ainsi que le respect des autres et de soi-même faciliteront les échanges commerciaux entre Kinshasa et Brazzaville. Ils permettront une complicité, sur le plan diplomatique, entre nos deux pays dans les différentes initiatives d’ordre régional. Il faudra surtout éviter les actions susceptibles d’amplifier le climat de défiance, ou d’hostilité, comme l’opération qui vient d’être diligentée contre nos concitoyens. Par conséquent, tout doit être entrepris en vue des réparations inhérentes aux biens mobiliers et immobiliers, ainsi qu’à la torture morale. Brazzaville devra régler de manière politique tout problème d’ordre économique, et selon la Convention de Genève, tout contentieux relevant du droit l’asile.

5. Comment interprétez-vous l’indifférence de la communauté internationale et le silence des médias occidentaux devant ces actes ignominieux ?
La communauté internationale a d’autres chats à fouetter en ce moment, notamment en Ukraine. Elle est très occupée par l’éventualité de la candidature de Bachar El Assad à la prochaine élection présidentielle en Syrie. Les médias occidentaux sont focalisés sur les élections européennes. En France, l’avènement de Manuel Valls est encore d’actualité et les tristes événements de Bangui mobilisent la politique africaine. Je suis de ceux qui pensent que les Congolais sont les premiers gardiens de leurs intérêts. Raison pour laquelle je déplore le silence de notre Parlement, face aux tergiversations du gouvernement dans la résolution du refoulement de nos compatriotes.

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France

Gaspard-Hubert Lonsi Koko,
porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC).

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