mardi 15 octobre 2013

Gaspard-Hubert Lonsi Koko : "Le présidium a pénalisé le travail au profit du clientélisme"

Les concertations nationales ont vécu. Mais bon nombre de prétendants à ces assises, et qui pourtant le méritaient amplement, n’ont pas été conviés. C’est le cas notamment des membres de la Diaspora Congolaise Favorable au Dialogue (DCFD). Dans cette interview qu’il a accordée à notre correspondant en France, Robert Kongo, le délégué et porte-parole de cette structure, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, critique véhément la méthode de travail « peu orthodoxe » du présidium quant à la désignation des délégués ayant représenté la diaspora à ce forum. Autres sujets abordés : l’hypothèse de la formation d’un gouvernement d’union nationale et les pourparlers de Kampala.


La DCFD n’a pas été invitée aux concertations nationales. Comment expliquez-vous cette mise à l’écart ?

Le choix de la majorité de personnes ayant représenté la diaspora s’est fait, en dernier ressort, sur la base du mercantilisme et de la logique politicienne. Dans ce contexte, seules les propositions de la DCFD ont intéressé le présidium et non la participation de leurs auteurs. Notre liberté de conscience a fait peur.

A vous entendre, le choix du présidium pour les délégués de la diaspora ayant participé à ce forum n’a pas été judicieux ?

Le choix du présidium n’a pas été judicieux, car il a pénalisé le travail au profit du clientélisme. Il a récompensé la flatterie au détriment du mérite. C’est une façon peu orthodoxe de procéder et cela démontre le peu de sérieux de cette organisation. Mais nous avons su faire passer quelques propositions auxquelles nous tenions. Certaines personnes s’en sont approprié et les ont défendues pour justifier leur utilité aux concertations nationales.


Malgré le travail remarquable que vous avez abattu en vue de votre participation à ces assises, cette mise à l'écart en a surpris plus d’un, y compris parmi les observateurs très avisés de la vie politique congolaise. Etes-vous déçu ?

Nous ne sommes pas déçus, dès lors que certaines de nos propositions ont été reprises. En effet, quelques concertateurs, tels des messagers de la foi, des apôtres d’une cause juste, les ont portées dans les différentes commissions. Nos recommandations ont été suivies. Nous n’avons pas prêché dans le désert.

Cela suffit-il à satisfaire votre ambition ?

Il est difficile d’être satisfait après un pareil traitement. La DCFD constate simplement que ses propositions ont été prises en compte par les concertateurs. C’est le cas pour l’inaliénabilité de la nationalité congolaise d’origine, le respect des droits civils des Congolais de la diaspora en matière d’élections, les facilités sur les plans douanier et fiscal au profit de nos compatriotes de l’étranger en cas d’investissement dans le territoire national, la libération des prisonniers politiques et d’opinion, les accords en matière de formation – dans les pays d’accueil – au profit de nos compatriotes vivant à l’étranger en vue de leur enrôlement dans l’armée nationale congolaise, le désengagement des officiers originaires du Kivu et leur redéploiement dans d’autres régions, la création des juridictions d’exception en vue des poursuites contre les auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.

Vos propositions ont-elles été bien défendues ?

Dans la mesure où nous avons travaillé sur des propositions que nous avons rassemblées dans notre cahier des charges, nous aurions été les meilleurs avocats. On ne défend pas avec une foi inébranlable, avec une détermination racinienne, le travail d’autrui. Le résultat est moins satisfaisant, car les motivations n’ont pas été les mêmes. Per diem et partage du pouvoir pour les uns, patriotisme et souhait d’un Etat de droit pour les autres.

L’objectif assigné aux concertations nationales par le président Joseph Kabila a-t-il été atteint, selon vous ?

L’objectif aurait été atteint si les sujets avaient été abordés en profondeur et sans tabou. Les problématiques évoquées auraient renforcé l’unité, la réconciliation et la cohésion nationales si les solutions s’apparentaient aux tentatives de déstabilisation de la région du Kivu. L’incohésion s’est amplifiée à l’issue des travaux des assises, a-t-on constaté, car les concertateurs ne se sont pas penchés sérieusement sur les causes originelles de la guerre. Ils ne se sont pas appesantis, dans l’optique d’une renégociation, sur les accords régionaux et internationaux dont quelques clauses menacent la souveraineté nationale. La sécurisation et la pacification du pays, ainsi que la situation socio-économique, n’ont fait que l’objet d’une énumération digne d’un catalogue de vœux pieux. Que faire maintenant ? Seul le Parlement, réuni en congrès, pourra consolider les conditions d’une véritable réconciliation nationale autour des valeurs républicaines, dans un élan patriotique collectif, pour la défense de la nation infiltrée, agressée et occupée. Ainsi revient-il au président de la République d’exhorter les parlementaires dans ce sens, de leur proposer l’adoption d’une résolution en faveur du positionnement de la brigade onusienne d’intervention aux côtés des FARDC, à partir de la frontière rwandaise, afin d’empêcher l’occupation illégale d’une portion de la région du Kivu et de surveiller les flux migratoires.

On évoque constamment l’hypothèse de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Qu’en pensez-vous ?

Je suis plutôt partisan de la dissolution du Parlement et de l’organisation dans la foulée des élections législatives et sénatoriales, locales et provinciales dont la transparence et la crédibilité permettront de dégager une vraie majorité en mesure de contrôler l’exécutif. La cohabitation doit être politique et non clientéliste. Cela renforcera le lien social et la cohésion nationale.

Selon le Coordonnateur du mécanisme de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, François Muamba, les pourparlers de paix de Kampala « ne sont pas prêts à aboutir à un accord ». Comment analysez-vous son propos ?

Dans mes différentes prises de position, j’ai dénoncé le macabre tango des Grands Lacs. Je ne peux qu’approuver les déclarations de François Muamba. Dès lors que la mission de la brigade onusienne d’intervention consiste à traquer et à neutraliser les forces négatives, conformément à la résolution 2089, on ne peut que s’interroger sur la nécessité de la poursuite des pourparlers de Kampala. Avoir accepté d’y retourner, après leur interruption, relevait de l’inconscience. En matière de diplomatie, notre pays a besoin d’un Talleyrand pour sauvegarder l’intégrité du territoire. Voilà le paramètre que nos négociateurs auraient dû avoir en tête.

Le réveil des Congolais à ces discussions n’est-il pas quelque peu tardif ?

Mieux vaut tard que jamais. Il va falloir œuvrer avec efficacité, au-delà de nos divergences, en activant nos réseaux en vue d’un lobbying sans faille pour que la brigade onusienne d’intervention puisse jouer son rôle, afin que les signataires de l’accord-cadre de Kampala respectent leurs engagements, pour que le mécanisme de suivi sanctionne enfin ceux qui sont en train de les violer.

Beaucoup d’observateurs critiquent les tergiversations du Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation dans l’Est de la RDC, qui semblent conforter la théorie d’un complot international. Qu’en pensez-vous ?

Lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies affirme que la crise provoquée par l’irruption de la rébellion du M23 n’a « pas de solution militaire », et sera surmontée seulement par voie « politique », on ne peut que s’interroger sur les motivations l’ayant poussé à approuver à l’unanimité, le 28 mars 2013, la création d’une nouvelle force de combat censée sécuriser le Kivu. Une telle attitude conforte l’hypothèse selon laquelle la RD Congo est victime d’un complot international. J’ose espérer que nous parviendrons à le déjouer. Nous devons nous battre pour l’intégrité de notre pays.

A votre avis, faut-il ou non continuer à discuter avec la rébellion du M23 ?

A travers moult tergiversations, les éléments du M23 ont démontré leur mauvaise foi. Notre patience a atteint la limite de la compréhension et de la tolérance. Pour avoir la paix, nous devons gagner la guerre. Ainsi le feu doit-il s’abattre impitoyablement, telle la foudre, sur les criminels qui ne pensent qu’à violer nos femmes et nos enfants, à piller nos richesses et à s’approprier une portion de notre terre. Débout congolais !

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France.

Copyright Le Potentiel 

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