vendredi 8 février 2013

RD Congo : à propos de la lettre ouverte à Elio Di Rupo

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko


1. Vous avez adressé récemment une lettre au Premier ministre belge, Elio Di Rupo, demandant, au nom des Congolais de l’étranger, l’intervention de la Belgique sur «la dramatique situation» qui prévaut au Nord-Kivu. Qu’est-ce qui a motivé votre démarche ?
Tout le monde sait que nos voisins de l’Est ont pris une sérieuse option sur notre avenir. Pour faire main basse sur nos terres et avoir la mainmise sur nos ressources naturelles, ils essaient de balkaniser notre pays par tous les moyens et à n’importe quel prix. Comme la situation ne cesse de devenir davantage dramatique et face à la faillite de l’Etat, contrairement à ceux qui ont passé des accords secrets pour céder des portions du territoire national, les Congolais de l’étranger avec qui je travaille au sein d’Union du Congo ont pris la résolution d’agir.
En conséquence, j’ai demandé à un pays avec lequel nous avons eu un passé commun d’assister les FARDC dans la noble tâche qui consiste à stabiliser la région du Kivu. Le peuple n’est-il pas, après tout, le souverain primaire ? L’article 64 de la Constitution du 18 février 2006 ne stipule-t-il pas que « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions constitutionnelles » ?

2. La Belgique serait-elle, selon vous, le pays le mieux placé pour aider la RDC dans sa quête de paix, de stabilité et de développement ?
La Belgique peut être utile à la RD Congo dans le cadre de la réforme de l’armée. Elle peut apporter son expertise dans différents domaines : sécuritaire, défensif et administratif. Au-delà de tous ces aspects, à travers la lettre adressée au camarade Elio Di Rupo, n’oubliez pas que je suis socialiste, c’est aussi les sujets du Roi que j’interpelle. J’ose croire que les Belges sont sensibles aux valeurs humanistes, lesquelles exigent que l’on combatte les auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité où qu’ils se trouvent.
Si la justice belge s’est attribué les compétences en la matière, pourquoi son armée ne pourrait-elle pas intervenir dans son ancienne sphère d’influence pour y rétablir la paix ? Devrai-je conclure que ceux qui considèrent à tort, par ignorance ou simple sottise, mon acte comme un appel à la recolonisation préfèrent voir le peuple congolais subir le diktat de ses voisins rwandais, burundais et ougandais ? Devrai-je affirmer que mes détracteurs les plus perspicaces sont insensibles aux traitements inhumains quotidiennement infligés à nos compatriotes du Kivu ?

3. En clair, vous souhaitez que la Belgique intervienne dans la crise qui sévit au Nord-Kivu comme le fait actuellement la France au Mali. La comparaison n’est-elle pas osée ?
Pas du tout. Se limiter au seul poids politique et économique de la Belgique, c’est ignorer complètement la nouvelle logique occidentale, plus précisément européenne, au regard du continent africain. En tant qu’ancienne puissance coloniale, l’avis des Belges reste prépondérant sur les dossiers congolais, rwandais et burundais au Conseil de l’Europe.
Ainsi le royaume de Belgique est-elle en mesure d’obtenir le déploiement des éléments de l’Eurofor dans la région du Kivu. Sachons que les Européens ont réintégré le fait que les anciennes puissances coloniales peuvent intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans leurs zones d’influence dès lors que cela peut permettre à l’Union européenne de faire efficacement face à la crise financière qui ne cesse de la fragiliser.

4. Bon nombre d’observateurs avisés soutiennent que la RDC est victime d’un complot international. Qu’attendez-vous vraiment de l’Europe, en l’occurrence la Belgique ?
Pour atteindre leur objectif, nos agresseurs se sont associés à des entreprises étrangères qui sont soutenues par des puissances extracontinentales. En contrepartie, ils doivent faire de la RD Congo, dans le pire des cas, un « no man’s land » où lesdites entreprises s’approvisionneront en minerais rares à moindres frais. Dans le meilleur des cas, ils doivent occuper la partie orientale de notre pays afin de la transformer en une zone franche au profit des forces coalisées.
Pour empêcher la balkanisation du pays, nous devons en principe compter sur une armée aguerrie. Or, ne disposant pas d’une force militaire capable de défendre et de sécuriser le territoire national, nous sommes contraints de priver les parrains du M23 des soutiens extérieurs dont ils bénéficient. Seul un changement d’alliances peut aboutir au résultat escompté. J’attends donc de l’Europe, en particulier de la Belgique, qu’elle redevienne une partenaire loyale.

5. Ne pensez-vous pas que la solution aux problèmes des Congolais ne viendra que des Congolais eux-mêmes ?
Vous prêchez un convaincu. En effet, la solution aux problèmes des Congolais ne pourra être résolue que dans un cadre inclusif et républicain. Je suis d’ailleurs l’un des premiers opposants à avoir prôné la cohésion nationale et le dialogue inter-congolais. Néanmoins, nous aurons besoin de la communauté internationale pour nous assister dans le processus souhaité par le président de la République qui consiste à résoudre les divergences internes à Kinshasa et non à Kampala.

PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT KONGO, CORRESPONDANT EN FRANCE


NOTA BENE : Une pétition, tirée de la lettre qui a été adressée au Premier ministre belge, est en ligne. Pour la signer, prière de cliquer sur le lien ci-contre : http://www.mesopinions.com/petition/droits-homme/lettre-ouverte-premier-ministre-belge-dramatique/9624

(*) Président d’Union du Congo

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