samedi 15 décembre 2012

APRES LA DEROUTE DE L'ARMEE CONGOLAISE A GOMA

Ferdinand Lufete(*) : "La RDC n'a pas une armée fiable"

1. Comment expliquez-vous la facilité avec laquelle Goma est tombée entre les mains des rebelles du M23 ?

La question que l’on peut se poser aujourd’hui est simple : existe-il une armée nationale en RDC ? Nos vaillants soldats n’ont pas fait leur travail entend-t-on dire ici ou là. Est-ce de leur faute ou celle de leurs commandants ? Je ne peux répondre à cette question. Ce que je sais, l’armée congolaise a subi un sérieux revers en échouant à repousser les rebelles du M23 qui ont pris sans résistance la ville de Goma. Notre armée a été humiliée. Après avoir posé leurs conditions et obtenu des avancées, les rebelles du M23 ont enfin décidé de se retirer de Goma. Pas selon le calendrier des présidents qui ont pris l’habitude de se réunir à Kampala pour résoudre la crise dans la région des Grands Lacs, ou selon les pressions internationales ( Union africaine, ONU, etc.), mais selon leur propre calendrier. Ils se sont retirés de la ville quand ils l’ont décidé en laissant la place aux FARDC qui n’ont rien d’autre à faire qu’un retour timide, sans éclat et sans bravoure. La honte dans l’âme. Fort de leurs succès sur le terrain, les rebelles du M23 ont de quoi avoir le verbe haut et estimer qu’ils auront toujours leur mot à dire dans l’administration de cette ville de Goma qu’ils ont laissé par pitié. Même sans pressions internationales, le fait d’obtenir les autorités congolaises à la table de négociation est une autre victoire en plus des victoires militaires.

2. Alors, que fait la Monusco ?

Difficile d’expliquer l’impuissance de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC. Avec 17.000 soldats, 1400 policiers et 720 observateurs militaires, la Monusco n’a rien pu faire contre l’avancée des rebelles du M23. Comment se fait-il que la plus grande opération des Nations Unies dans le monde n’arrive pas à arrêter une rébellion ? Comment ne pas évoquer un complot international ? Si tel n’est pas le cas, il faut penser autrement. Nous sommes un bon nombre d’acteurs politiques congolais en France à demander le changement  de la mission de la Monusco et sa transformation en une véritable force d’intervention aux côtés des FARDC, à partir de la frontière rwandaise , et, au cas où l’ONU refuserait de requalifier sa mission , son remplacement par d’autres forces neutres, notamment l’Africom. Notre plate-forme politique, l’Adr, par la voix de son président, François Muamba, a déjà proposé le déploiement de cette force américaine le long de la frontière entre la RDC et le Rwanda pour combattre les rebelles du M23, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et autres groupes armés opérant dans cette région. Pour nous, l’appel aux troupes de l’Africom est la réponse exacte et adaptée à la situation d’insécurité qui prévaut dans les deux Kivu.  

3. Faute d’une armée nationale, républicaine et forte, les Congolais sont humiliés en permanence, diriez-vous ?

C’est un secret de polichinelle de dire que la RDC n’a pas une armée fiable. Il faut absolument la doter d’une armée républicaine, dissuasive, capable d’assurer la sécurité des Congolais et l’intégrité de leur territoire face aux menaces et à toutes les velléités des groupes armés. L’adjectif républicain doit être bien compris par les Congolais ou ceux qui se considèrent comme tel. Un soldat intervient pour la défense collective du territoire national. Il est donc censé être affecté dans une autre région que la sienne. Une réalité que ne semble pas admettre les rebelles du M23. Ils veulent réaliser toutes leurs missions dans le Nord et Sud Kivu. Cela trahit un comportement suspicieux et très sceptique.
  
4. Comment expliquez-vous la faiblesse de l’armée congolaise aujourd’hui ?

Depuis 1996, les conflits récurrents en RDC n’ont pas servi la cause de notre armée nationale. Les Forces armées zaïroises (FAZ) qui, à l’époque, étaient l’une des meilleures en Afrique centrale, ont été démantelées. La guerre de libération de 1996 menée par Laurent- Désiré Kabila et celle du 2 août 1998 ont désintégré complètement notre force militaire. Depuis l’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila en 2001, différentes options ont été prises pour la mise en place d’une armée nationale digne de ce nom. Les résultats se font encore attendre.  

5. Le président de l’Adr, François Muamba, est à la table de négociation à Kampala. Y a-t-il sa place, selon vous ?

Bien sûr. Dans une interview, d’ailleurs, le président François Muamba  a  expliqué la raison de sa présence à la rencontre de Kampala. Il y est en sa qualité de président d’un regroupement politique représenté à l’Assemblée nationale et membre du groupe  consultatif permanent mis en place par le Président Joseph Kabila pour favoriser la cohésion et l’unité nationale. Personnellement,  je ne trouve rien d’anormal qu’un acteur politique de sa trempe accompagne les membres du gouvernement dans leurs efforts de rétablir la paix au Nord-Kivu. La guerre dans l’Est, c’est l’affaire de tous les Congolais. En outre, l’Adr est dans une opposition constructive. Ce n’est pas dans cette circonstance particulièrement douloureuse pour la RDC que nous allons nous radicaliser. Notre pays est en danger, il faut le défendre et le sauver.

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France (Le Potentiel)

(*) Coordinateur en France de la plate-forme politique Alliance pour le développement et la République (Adr)

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