Ferdinand Lufete(*) : "La RDC n'a pas une armée fiable"
1. Comment expliquez-vous la facilité avec laquelle Goma est tombée entre les mains des rebelles du M23 ?
La question que l’on peut se poser aujourd’hui est simple : existe-il une armée nationale en RDC ? Nos vaillants soldats n’ont pas fait leur travail entend-t-on dire ici ou là. Est-ce de leur faute ou celle de leurs commandants ? Je ne peux répondre à cette question. Ce que je sais, l’armée congolaise a subi un sérieux revers en échouant à repousser les rebelles du M23 qui ont pris sans résistance la ville de Goma. Notre armée a été humiliée. Après avoir posé leurs conditions et obtenu des avancées, les rebelles du M23 ont enfin décidé de se retirer de Goma. Pas selon le calendrier des présidents qui ont pris l’habitude de se réunir à Kampala pour résoudre la crise dans la région des Grands Lacs, ou selon les pressions internationales ( Union africaine, ONU, etc.), mais selon leur propre calendrier. Ils se sont retirés de la ville quand ils l’ont décidé en laissant la place aux FARDC qui n’ont rien d’autre à faire qu’un retour timide, sans éclat et sans bravoure. La honte dans l’âme. Fort de leurs succès sur le terrain, les rebelles du M23 ont de quoi avoir le verbe haut et estimer qu’ils auront toujours leur mot à dire dans l’administration de cette ville de Goma qu’ils ont laissé par pitié. Même sans pressions internationales, le fait d’obtenir les autorités congolaises à la table de négociation est une autre victoire en plus des victoires militaires.
2. Alors, que fait la Monusco ?
Difficile
d’expliquer l’impuissance de la Mission des Nations unies pour la
stabilisation en RDC. Avec 17.000 soldats, 1400 policiers et 720
observateurs militaires, la Monusco n’a rien pu faire contre l’avancée
des rebelles du M23. Comment se fait-il que la plus grande opération des
Nations Unies dans le monde n’arrive pas à arrêter une rébellion ?
Comment ne pas évoquer un complot international ? Si tel n’est pas le
cas, il faut penser autrement. Nous sommes un bon nombre d’acteurs
politiques congolais en France à demander le changement de la mission
de la Monusco et sa transformation en une véritable force d’intervention
aux côtés des FARDC, à partir de la frontière rwandaise , et, au cas où
l’ONU refuserait de requalifier sa mission , son remplacement par
d’autres forces neutres, notamment l’Africom. Notre plate-forme
politique, l’Adr, par la voix de son président, François Muamba, a déjà
proposé le déploiement de cette force américaine le long de la frontière
entre la RDC et le Rwanda pour combattre les rebelles du M23, les
Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et autres
groupes armés opérant dans cette région. Pour nous, l’appel aux troupes
de l’Africom est la réponse exacte et adaptée à la situation
d’insécurité qui prévaut dans les deux Kivu.
3. Faute d’une armée nationale, républicaine et forte, les Congolais sont humiliés en permanence, diriez-vous ?
C’est
un secret de polichinelle de dire que la RDC n’a pas une armée fiable.
Il faut absolument la doter d’une armée républicaine, dissuasive,
capable d’assurer la sécurité des Congolais et l’intégrité de leur
territoire face aux menaces et à toutes les velléités des groupes armés.
L’adjectif républicain doit être bien compris par les Congolais ou ceux
qui se considèrent comme tel. Un soldat intervient pour la défense
collective du territoire national. Il est donc censé être affecté dans
une autre région que la sienne. Une réalité que ne semble pas admettre
les rebelles du M23. Ils veulent réaliser toutes leurs missions dans le
Nord et Sud Kivu. Cela trahit un comportement suspicieux et très
sceptique.
4. Comment expliquez-vous la faiblesse de l’armée congolaise aujourd’hui ?
Depuis
1996, les conflits récurrents en RDC n’ont pas servi la cause de notre
armée nationale. Les Forces armées zaïroises (FAZ) qui, à l’époque,
étaient l’une des meilleures en Afrique centrale, ont été démantelées.
La guerre de libération de 1996 menée par Laurent- Désiré Kabila et
celle du 2 août 1998 ont désintégré complètement notre force militaire.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila en 2001, différentes
options ont été prises pour la mise en place d’une armée nationale digne
de ce nom. Les résultats se font encore attendre.
5. Le président de l’Adr, François Muamba, est à la table de négociation à Kampala. Y a-t-il sa place, selon vous ?
Bien
sûr. Dans une interview, d’ailleurs, le président François
Muamba a expliqué la raison de sa présence à la rencontre de Kampala.
Il y est en sa qualité de président d’un regroupement politique
représenté à l’Assemblée nationale et membre du groupe consultatif
permanent mis en place par le Président Joseph Kabila pour favoriser la
cohésion et l’unité nationale. Personnellement, je ne trouve rien
d’anormal qu’un acteur politique de sa trempe accompagne les membres du
gouvernement dans leurs efforts de rétablir la paix au Nord-Kivu. La
guerre dans l’Est, c’est l’affaire de tous les Congolais. En outre,
l’Adr est dans une opposition constructive. Ce n’est pas dans cette
circonstance particulièrement douloureuse pour la RDC que nous allons
nous radicaliser. Notre pays est en danger, il faut le défendre et le
sauver.
Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France (Le Potentiel)
(*) Coordinateur en France de la plate-forme politique Alliance pour le développement et la République (Adr)
(*) Coordinateur en France de la plate-forme politique Alliance pour le développement et la République (Adr)
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