mardi 10 avril 2012

Indépendance de l’Azawad


De l’islamisme et de la partition du Mali
Par  Le Potentiel
Bien qu’un accord-cadre ait été conclu le 7 avril entre la junte militaire malienne et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) - les putschistes s’engagent à rendre le pouvoir aux civils après la démission d’Amadou Toumani Touré - pour freiner le relent indépendantiste des rebelles touaregs dans le Nord, la situation du Mali reste extrêmement préoccupante. Le risque de voir les islamistes s’installer au Sahel est bien réel. La partition annoncée du pays si elle se réalisait, entraînerait un grand chambardement dans la région et au-delà des limites traditionnelles de la zone sahélienne.


Trois semaines après le coup d’Etat qui a mis le Mali dans l’impasse, l’Azawad- immense territoire aride d’une surface équivalente à celle de la France et de la Belgique réunies, situé au Nord du fleuve Niger et qui comprend les trois régions administratives de Kidal, Tombouctou et Gao -, est tombé en trois jours aux mains du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), du mouvement islamiste Ansar Dine (défenseurs de l’islam) appuyé par des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d’autres groupes.
Très vite, les islamistes et des groupes criminels ont pris le dessus sur le MNLA, selon divers témoignages, relativisant la déclaration unilatérale d’indépendance des rebelles touaregs qui ne semblent pas en mesure de contrôler « leur » territoire.
Si Mossa Ag Attaher, chargé de communication du MNLA, affirme dans les médias que leur mouvement est prêt à combattre Aqmi dans le cadre de la mise en place « d’un partenariat international », Omar Hamaha, chef militaire d’Ansar Dine, qui a pris le contrôle de Tombouctou, affirme, à son tour, mener une guerre «contre l’indépendance» de l’Azawad et «pour l’Islam», dans une déclaration dont les télévisions françaises et étrangères se sont procurées les images.
«Notre guerre, c’est une guerre sainte, une guerre légale, au nom de l’islam. Nous sommes contre les rébellions. Nous sommes contre les indépendances. Toutes les révolutions qui ne sont pas au nom de l’islam, nous sommes contre », a-t-il dit.

AQMI S’INSTALLE A TOMBOUCTOU

C’est un secret de polichinelle de dire que le Mali subit les conséquences de la guerre déclenchée en Libye. L’Otan (composée essentiellement des militaires français et britanniques) a vu les armes et les mercenaires passer par la frontière vers le Niger puis vers le Mali.
Aucune information n’a, en effet, vraiment filtré sur le mouvement de ces rebelles, qui ont abondamment puisé dans les stocks d’armes laissés par Kadhafi (l’ancien guide libyen), pour mener leur offensive au Mali.
L’alliance conclue entre les groupes rebelles et les djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), eux-mêmes confortés idéologiquement par le courant salafiste qui traverse le monde arabe, est aussi l’un des facteurs explicatifs de cette situation. Le Nord du Mali est isolé : Tombouctou est aux mains d’Aqmi.
En face, il n’y a pas grand-chose. A Bamako, le vide est vertigineux. Le président Amadou Toumani Touré – qui a officiellement démissionné dimanche « sans pression du tout, «de bonne foi» - s’est longuement désintéressé de ce qui se passait dans le Nord de son pays qu’il «aime» tant. «Le problème sécuritaire du pays semblait dépasser le président», a déclaré Aminata Dramane Traoré, femme politique et écrivaine malienne, sur l’antenne de RFI.
L’armée malienne s’est effondrée. Elle s’est trouvée confrontée à des gens totalement aguerris et, en plus, une communauté qui parle la même langue, les Touaregs. Que ce soit l’ancien président Amadou Toumani Touré ou la junte, ils sont totalement incapables de reprendre le Nord d’autant que -il faut le savoir- dans l’armée malienne les principaux chefs Touaregs qui y avaient été intégrés ont déserté.
L’enjeu est considérable. Les Touaregs voulaient une autonomie. Ils exigent aujourd’hui un Etat indépendant sur le vaste territoire qu’ils revendiquent.
Quant à leurs alliés islamistes, comme Al-Qaïda l’avait fait en Afghanistan avec les talibans, ils profitent de la rébellion touareg et cherchent à installer un califat (territoire sous la gouvernance d’un souverain musulman) au cœur de l’Afrique de l’Ouest.

RISQUE DE PARTITION DU MALI

Tous menacés, les pays de la région ne souhaitent nullement la partition du Mali et veulent éviter que le Sahel ne devienne un nouveau sanctuaire pour les terroristes d’Al-Qaïda.
Le Mali, de par son histoire et sa configuration géographique, constitue un facteur de stabilisation positive dans une région convoitée pour son potentiel minier inexploité. Le Mali peut jouer (s’il en a les moyens) le rôle d’antidote à la balkanisation de l’Afrique de l’Ouest.
A l’instar des voisins du Mali, membres de la Cedeao, l’Algérie, voisin du Nord et puissance militaire régionale dont six diplomates ont été enlevés jeudi dernier à Gao, clame son attachement à l’intégrité territoriale de ce pays et craint l’effet domino. Le risque existe bel et bien.
Face à ce risque de partition du Mali, l’Algérie a réagi, dimanche 1er avril dernier, en appelant «de manière pressante et solennelle » à l’arrêt des hostilités, qui connaissent, selon Amar Belani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, « une dérive inquiétante ». Alger engage tous les acteurs à « faire preuve de retenue et à s’inscrire dans une logique politique qui soit en harmonie avec les aspirations des populations et les efforts des pays voisins visant à accompagner le Mali dans la voie du recouvrement de la légitimité et de la stabilité».
Pour rétablir l’ordre constitutionnel, le recours à la force brandi par la Cedeao n’est pas la panacée et surtout ne mettra pas fin à la visée séparatiste du MNLA -qui ne date pas d’aujourd’hui- et des islamistes du mouvement Ansar Dine d’Iyad ag Ghali, appuyé par Aqmi.
La solution ne peut être que politique. Un effort militaire pourrait aggraver une situation déjà fragile et bien complexe. A preuve, la France et les autres puissances occidentales, témoins du drame qui secoue aujourd’hui le Mali, restent impuissantes.

A QUI LE TOUR DEMAIN ?

L’histoire est un perpétuel recommencement : cette affirmation que l’on attribue à l’historien grec Thucydide peut nous laisser penser qu’à l’avenir les Africains connaîtront probablement les redécoupages de leurs territoires de manière différente. En effet, la partition de certains Etats d’Afrique semble clairement inscrite dans le projet des dominants pour assurer leur hégémonie.
La domination des maîtres du monde s’effectue en toute bonne conscience néocoloniale (le mot n’est pas fort). Elle est rendue possible grâce à l’instrumentalisation des conflits qui autorise, sur le terrain, la présence de forces militaires extracontinentales afin de veiller à la sauvegarde des intérêts des multinationales.
Hier le Sud-Soudan, aujourd’hui le Nord-Mali et demain ? l’Est de la RD Congo, peut-être ! Car, pour tout observateur sérieux, ce territoire du Congo n’est pas encore sorti de l’auberge.
Depuis le 1er avril, les mouvements irréguliers d’hommes armés- partisans du général Bosco Ntaganda, selon les autorités congolaises- observés dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu inquiètent la population. Un début d’une nouvelle rébellion ? Une énième insurrection pour déstabiliser l’Est de la RD Congo ? Seul l’avenir le dira. Ne feignons pas d’ignorer que le processus de balkanisation de la RDC est toujours en cours. N’en déplaise à ceux qui persistent de croire le contraire.

Robert Kongo, correspondant en France

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