En
République Démocratique du Congo, on attend encore l’autopsie des 5
soldats congolais ayant été tués à la frontière avec le Rwanda le 11
juin 2014. Kinshasa parle d’exécution, ce que dément Kigali qui attribue
la mort de ses militaires à d’affrontements entre les FARDC[1] et les FRD[2].
Comment sécuriser efficacement la frontière congolo-rwandaise ? Les
relations entre les deux pays sont-elles condamnées à être mauvaises ?
Telles sont les questions judicieusement posées par Juan Gomez, dans le
cadre de son émission Appels sur l’actualité diffusée sur les ondes de Radio France internationale.
La fin de la récréation ?
Dans l’euphorie de son élection en 2006 à la magistrature suprême, que
l’opposition congolaise n’a jamais cessé de contester, Joseph Kabila
avait déclaré avec détermination : « Avec
l’accord de vous tous, j’annonce […] la fin de la récréation afin que
le peuple puisse se consacrer entièrement au travail, et ce dans la paix
et la tranquillité ». Presque huit années après cette déclaration,
force est de constater que la paix et la tranquillité restent une
arlésienne aux yeux de la plus grande majorité des populations de la
République Démocratique du Congo. Ce peuple est sans cesse en proie à
l’instabilité organisée, d’une manière ou d’une autre, soit par des
acteurs frontaliers et plus ou moins cautionnées, à force de rester
systématiquement ambigu, par le gouvernement de Kinshasa. Ainsi la
violence est-elle devenue une variable d’ajustement qui permet à
Kinshasa de conserver le pouvoir et quelques pays frontaliers d’affirmer
leur leadership en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs.
Incapacité à s’affirmer régionalement
Trois raisons expliquent l’incapacité dans laquelle se trouve la
République Démocratique du Congo, laquelle l’empêche de prendre en main
son destin. Primo, l’absence flagrante de vision commune de la part des
leaders politiques congolais, et de l’élite, affaiblit l’autorité de
l’Etat. Secundo, tant que le problème des FDLR[3] ne
sera pas définitivement réglé, le président Paul Kagamé trouvera
toujours un prétexte relatif à un danger imaginaire qui pèserait sur le
Rwanda à partir du territoire congolais. Raison pour laquelle l’armée
rwandaise n’a jamais achevé le travail qu’elle était censée faire, lors
de l’opération « Umoja wetu » menée conjointement au Nord-Kivu avec les
forces armées congolaises entre janvier et février 2009. Tertio, les
différents petits conflits ethniques à travers le territoire congolais
ont sans cesse été exploités par des pays voisins dans l’espoir de
piller les ressources naturelles et de fragmenter la République
Démocratique du Congo.
Le caractère ternaire de la fatalité
L’aspect ternaire a sans conteste été depuis très longtemps, au dire des
spécialistes de la problématique congolaise, au cœur de la direction et
de la gestion du pays. Celui-ci s’est reposé sur trois piliers : le
parti unique[4],
l’armée et l’Eglise. Or, de nos jours, l’armée s’est affaiblie et le
parti unique a fait long feu. Seule l’Eglise reste l’actrice majeure en
mesure d’irriguer l’ensemble du corps social, de suppléer convenablement
l’administration étatique, d’assumer correctement le système éducatif
et de garantir le processus électoral. Pourquoi, dans un pays qui se dit
républicain, les fonctions relevant de l’Etat peuvent-elles être
assumées par la seule Eglise ? Il semble que, dans un pays dont le
président est l’émanation de l’armée, la sécurité nationale et les
relations avec les pays frontaliers doivent rester des prérogatives
gouvernementales.
La stabilité de la région du Kivu
Il est évident que la paix dans la région du Kivu dépend, avant tout, du
rapport de force, sur le plan militaire, entre la République
Démocratique du Congo et le Rwanda. Ce n’est un secret pour personne. Si
les autorités congolaises veulent réellement sécuriser la partie
orientale, elles doivent commencer par déployer ne serait-ce qu’une
brigade – composée de 9 720 hommes aguerris – pour protéger la frontière
avec le Rwanda. Dans l’insécurité qui règne dans le Kivu, la force
onusienne est plutôt une partie de la solution et non le fond du
problème. 25 000 hommes pour un pays dont la superficie est de 2 345 000
km2, c’est très largement insuffisant par rapport aux 70 000 soldats
bien entraînés que compte l’armée rwandaise. Pour mieux sécuriser la
République Démocratique du Congo, pays partageant 9 frontières avec ses
voisins, l’armée nationale devra être dans l’absolu composée de 500 000
hommes. Ce dispositif devra être complété de 2 administratifs, ou
logisticiens, par soldat.
Partant du principe selon lequel la stabilité et la croissance
économique de tout pas sont tributaires d’un système de sécurité et de
défense performant et républicain, la République Démocratique du Congo
devra revoir en hausse la dotation globale actuellement allouée aux
FARDC et remanier leur chaîne de commandement[5].
Le secteur de la défense nationale doit être considéré comme un devoir
patriotique consistant à sécuriser et à assurer l’intégrité du
territoire, à protéger les centres et les installations d’intérêts
vitaux contre les agressions armées d’où qu’elles viennent.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
© Jolpress
[1] Forces armées de la République Démocratique du Congo.
[2] Forces rwandaises de défense.
[3] Forces démocratiques de libération du Rwanda.
[4] En l’occurrence le Mouvement populaire pour la révolution (MPR)
[5] Pour plus de précisions, lire Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs.
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