La complexité des relations entre les pays des Grands Lacs africains a toujours donné le tournis à plus d’un spécialiste. De la difficile cohabitation entre les Hutus et les Tutsis, les Bantous et les Nilotiques, les Anglophones et les Francophones, aux problèmes fonciers et au pillage des ressources naturelles, il n’est pas du tout évident de saisir les tenants et les aboutissants. Et, pourtant, c’est à cet exercice difficile que Gaspard-Hubert Lonsi Koko s’est attelé avec brio. En effet, dans son dernier ouvrage intitulé Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs, cet essayiste réformiste, qui plus est analyste politique, fait un diagnostic cohérent et ouvre des perspectives en vue de la consolidation économique et politique de la République Démocratique du Congo.
« Ma vision pour le Congo-Kinshasa, c’est celle d’un pays capable de conjuguer le dynamisme économique avec la justice sociale » affirme d’emblée l’auteur. Vaste programme ! Gaspard-Hubert Lonsi Koko insiste notamment sur le fait que la République Démocratique du Congo est contrainte de trouver, à tout prix, des voies et moyens qui puissent permettre son épanouissement économique, donnée indispensable à la paix sociale et à l’évolution démocratique. Cela nécessitera forcément de l’audace, de l’innovation, de l’inventivité, du pragmatisme et une réelle volonté politique. Effectivement, « c’est en surmontant le défi de la compétitivité que les Congolais bâtiront le Congo-Kinshasa du troisième millénaire ». Ainsi parviendront-ils à la démocratie républicaine et à la cohésion nationale.
Cohésion nationale
« Tout devra être mis en œuvre pour que les Congolais aspirent enfin à la Paix, à la Justice et au Travail auxquels ils ont constitutionnellement droit. » Dans l’absolu, la Liberté ne pourra qu’engendrer l’Egalité qui générera la Sécurité indispensable à la Prospérité. Telle est l’équation existentielle que l’auteur s’efforce à résoudre à travers un essai d’une pertinence lumineuse, faisant penser à la fois à une philosophie jaurésienne et à un cheminement mitterrandien. Rien de surprenant quand on sait que Gaspard-Hubert Lonsi Koko a longtemps évolué avec Le Capital à la main gauche et Le Prince à la main droite. Une ambiguïté qui permet de passer avec habileté – d’aucuns diront avec cynisme – de l’idéal au réel. Ainsi l’auteur chemine-t-il au fil des pages, à l’instar d’un funambule, du patriotisme au régionalisme, de la stabilité nationale à la pacification régionale.
Entente cordiale
Pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko, seule une entente cordiale entre les peuples rwandais, burundais et congolais encouragera l’espoir d’une relance de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL). Cela ne pourra être envisageable que, rappelle à juste titre l’auteur, si le Congo-Kinshasa se stabilise en développant des institutions étatiques en mesure de mener une diplomatie pragmatique – la finalité étant de vivre en bonne intelligence avec les pays limitrophes – et en se dotant d’une armée dissuasive dans l’optique d’une coopération régionale sur la base de « l’indépendance dans l’interdépendance ». Raison pour laquelle, apprend-on, l’Union africaine devra être associée au projet relatif au réaménagement de la CEPGL, notamment par le truchement du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Néanmoins, au regard de la détérioration des relations entre les pays de la région au cours de ces seize dernières années, les objectifs à atteindre à court terme sont la réalisation des projets d’intérêts communs dans le domaine économique, ainsi que la consolidation de la paix.
Au-delà de la vision politique d’un homme, ce sont les perspectives d’avenir qui interpellent avant tout le lecteur dont l’attention est captée par un projet de société d’avant-garde. Un projet chiffré – de 10 milliards de dollars US – qui fait la part belle à la croissance économique – de 10 % en 2014 à 18,25 % en 2019 –, à la défense nationale, à la sécurité et à la protection civile. Un programme qui met l’accent sur la création de 20 100 000 emplois en 5 ans, réduisant ainsi le chômage de 40 à 50 points – soit de 80 ou 70 % à 30 %. Un projet qui ambitionne de scolariser, au moyen d’un plan quinquennal, au moins 16 millions de personnes de 2014 à 2019 et de salarier plus de 725 000 enseignements et personnel d’encadrement… Un projet qui préconise une diplomatie efficace au service d’une économie ouverte à l’Afrique centrale et orientale, ainsi que le renforcement des politiques régionales grâce aux unions douanières… A travers ce programme, on sent se profiler l’amour et le dévouement d’un patriote. On perçoit la démarche d’un visionnaire soucieux de doter le Congo-Kinshasa de fondations solides pour permettre à la Postérité de bâtir, dans la paix, un pays plus beau qu’avant. Ainsi les sillons sont-ils tracés, il ne reste plus qu’à les suivre.
© Agroravox
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