Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la justice |
Les
violentes attaques racistes dont est victime la Garde des Sceaux, ministre de la
justice, Christiane Taubira, peuvent difficilement laisser indifférent. Mercredi
dernier, elle a été insultée par « Minute », un hebdomadaire d’extrême
droite. Trois semaines auparavant, elle a eu droit aux mêmes outrages dans les
rues d’Angers (Ouest de la France). Des politiques ne sont pas en reste. La parole
raciste se libère en France. Plus que jamais, un sursaut républicain est
nécessaire pour combattre la déferlante des propos nauséabonds à laquelle on
assiste depuis plusieurs semaines.
Chacun a pu constater,
depuis des semaines, des mois même, que la Garde de Sceaux, ministre de la
justice, Christiane Taubira, symbole d’égalité, est devenue la cible
systématique d’injures à caractère raciste, allusives, quand elles ne sont pas
explicites.
En consacrant sa
« Une » du 13 novembre à la ministre de la justice, affublée de ce
titre prétendument satirique : « Maligne comme un singe, Taubira retrouve
la banane », l’hebdomadaire d’extrême droite, « Minute », a
réussi à susciter une indignation générale, ou presque, contre la banalisation
des propos ou injures racistes.
Des propos « d’une
extrême violence » qui « prétendent m’expulser de la famille humaine,
dénient mon appartenance à l’espèce humaine », a réagi mercredi 13
novembre la ministre de la justice sur
France 2. « C’est ici, dans ce pays de France, cette nation qui s’est
construite sur une communauté de destins, sur du droit, sur des lois qui
s’appliquent à tous, sur l’égalité entre ses citoyens, c’est dans ce pays-là
que des personnes s’autorisent à proférer de tels propos », a-t-elle
déploré.
Christiane Taubira
admet tout de même que ces attaques à répétition sont difficiles à gérer pour
son entourage.
« Moi, j’encaisse
le choc. Simplement, évidemment, c’est violent pour les enfants, c’est violent
pour mes proches, c’est violent pour tous ceux qui me ressemblent »,
a-t-elle confié.
Le 25 octobre, déjà, elle
était huée à Angers par des enfants de militants de la Manif pour tous aux cris
de : « C’est pour qui la banane ? C’est pour la
guenon ! ». Peu de temps avant, un abbé (intégriste catholique de
l’institut Civitas, ndlr) scandait sans crainte des « Y’a bon
Banania ! Y’a bon Taubira ». Des propos qui rappellent ceux tenus par
la tête de liste FN aux municipales à Rethel
(Ardennes), Anne-Sophie Leclere, dans un reportage de l’émission
« Envoyé spécial » diffusé jeudi 17 octobre sur France 2. La Garde des Sceaux
est traitée de « sauvage » et
comparée à un « singe ». La candidate FN « préfère voir la
ministre de la justice dans les arbres plutôt qu’au gouvernement. » Inutile
de prolonger le florilège. Il est abject.
Ce racisme pur et dur,
biologique, racialisé et assorti de références animalières est le fait- à n’en
point douter- d’une extrême droite qui en a toujours fait son détestable fonds
de commerce. Ce ne sont pas des dérapages, qui sont des inattentions, c’est
infiniment plus grave ! Il s’agit très clairement d’inhibitions qui disparaissent,
de digues qui tombent. Aujourd’hui, il faut le dire avec force, le racisme est
frontal, il s’assume, il est décomplexé. Des esprits se banalisent.
INDIGNITES
« La guenon, mange
ta banane » n’est pas quelque chose d’anodin. Plutôt une alerte sur l’état
de la société française et sur ses dérives. Comment des adultes peuvent-ils se
permettre de manipuler ainsi une fillette de 12ans? On aurait aimé que
cet incident soit une exception. Mais c’est tout le contraire qui se révèle.
Le constat est celui
d’une parole publique qui semble ne plus se fixer d’interdits et se permet
toutes les indignités. On l’a vu au moment des polémiques sur les Roms, mais
aussi quand, la présidente du FN, Marie Le Pen, a commencé à évoquer le
« malaise » devant la barbe des ex-otages ou encore dans les slogans
ouvertement homophobes entendus durant les manifestations contre le mariage
gay.
Dans l’entretien
qu’elle a accordé à « Libération », le 6 novembre dernier, Christiane
Taubira évoquait les propos discriminatoires multiples et dénonçait « une
attaque au cœur de la République ». Elle a raison.
C’est en premier lieu
aux politiques de se poser la question de leur responsabilité dans ces excès
nauséabonds. La droitisation assumée de l’UMP a évidemment une incidence sur
l’opinion. Les médias aussi doivent se poser la question de leur rôle face à
cette radicalisation de la parole. Pour surtout ne pas la banaliser.
SURSAUT REPUBLICAIN
Contre ce genre d’attaque, il n’y a pas d’autre riposte qu’une dénonciation systématique des idées et des propos racistes. Pas d’autre riposte, à chaque fois que c’est possible et pénalement justifié, que la poursuite de leurs auteurs devant les tribunaux. Pas d’autre riposte que l’effort inlassable d’éducation des enfants et des jeunes. Pas d’autre riposte que le rappel intransigeant des principes d’égalité et de fraternité, qui sont le fondement du pacte social et républicain.
Il est temps qu’un
sursaut républicain -pour préserver la belle démocratie républicaine - mette
fin à cette montée du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance. C’en est
trop !
La manifestation
« Marche Républicaine », qui se tiendra dimanche 8 décembre prochain, place de la Bastille à
Paris, et qui a pour but de « raviver l’esprit républicain », devra
montrer que la rue n’est pas le monopole de mouvements réacs, aux relents
pétainistes, comme la Manif pour tous, le Printemps français ou encore, plus
récemment, les Bonnets rouges, d’inspiration poujadiste. Dans l’espoir que les
100.000 manifestants attendus (selon plusieurs sources) seront au rendez-vous
pour porter haut l’étendard d’une France fière de sa diversité.
Robert Kongo,
correspondant en France
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