mardi 19 novembre 2013

FRANCE : LA PAROLE RACISTE LIBEREE !



Christiane Taubira, Garde des Sceaux,  ministre de la justice

Les violentes attaques racistes dont est victime la Garde des Sceaux, ministre de la justice, Christiane Taubira, peuvent difficilement laisser indifférent. Mercredi dernier, elle a été insultée par « Minute », un hebdomadaire d’extrême droite. Trois semaines auparavant, elle a eu droit aux mêmes outrages dans les rues d’Angers (Ouest de la France). Des politiques ne sont pas en reste. La parole raciste se libère en France. Plus que jamais, un sursaut républicain est nécessaire pour combattre la déferlante des propos nauséabonds à laquelle on assiste depuis plusieurs semaines.
Chacun a pu constater, depuis des semaines, des mois même, que la Garde de Sceaux, ministre de la justice, Christiane Taubira, symbole d’égalité, est devenue la cible systématique d’injures à caractère raciste, allusives, quand elles ne sont pas explicites.
En consacrant sa « Une » du 13 novembre à la ministre de la justice, affublée de ce titre prétendument satirique : « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane », l’hebdomadaire d’extrême droite, « Minute », a réussi à susciter une indignation générale, ou presque, contre la banalisation des propos ou injures racistes.
Des propos « d’une extrême violence » qui « prétendent m’expulser de la famille humaine, dénient mon appartenance à l’espèce humaine », a réagi mercredi 13 novembre  la ministre de la justice sur France 2. « C’est ici, dans ce pays de France, cette nation qui s’est construite sur une communauté de destins, sur du droit, sur des lois qui s’appliquent à tous, sur l’égalité entre ses citoyens, c’est dans ce pays-là que des personnes s’autorisent à proférer de tels propos », a-t-elle déploré.
Christiane Taubira admet tout de même que ces attaques à répétition sont difficiles à gérer pour son entourage.
« Moi, j’encaisse le choc. Simplement, évidemment, c’est violent pour les enfants, c’est violent pour mes proches, c’est violent pour tous ceux qui me ressemblent », a-t-elle confié.
Le 25 octobre, déjà, elle était huée à Angers par des enfants de militants de la Manif pour tous aux cris de : « C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ! ». Peu de temps avant, un abbé (intégriste catholique de l’institut Civitas, ndlr) scandait sans crainte des « Y’a bon Banania ! Y’a bon Taubira ». Des propos qui rappellent ceux tenus par la tête de liste FN aux municipales à Rethel  (Ardennes), Anne-Sophie Leclere, dans un reportage de l’émission « Envoyé spécial »  diffusé  jeudi 17 octobre sur France 2. La Garde des Sceaux est traitée de  « sauvage » et comparée à un « singe ». La candidate FN « préfère voir la ministre de la justice dans les arbres plutôt qu’au gouvernement. » Inutile de prolonger le florilège. Il est abject.
Ce racisme pur et dur, biologique, racialisé et assorti de références animalières est le fait- à n’en point douter- d’une extrême droite qui en a toujours fait son détestable fonds de commerce. Ce ne sont pas des dérapages, qui sont des inattentions, c’est infiniment plus grave ! Il s’agit très clairement d’inhibitions qui disparaissent, de digues qui tombent. Aujourd’hui, il faut le dire avec force, le racisme est frontal, il s’assume, il est décomplexé. Des esprits se banalisent.

INDIGNITES
« La guenon, mange ta banane » n’est pas quelque chose d’anodin. Plutôt une alerte sur l’état de la société française et sur ses dérives. Comment des adultes peuvent-ils se permettre de manipuler ainsi une fillette de 12ans? On aurait aimé que cet incident soit une exception. Mais c’est tout le contraire qui se révèle.
Le constat est celui d’une parole publique qui semble ne plus se fixer d’interdits et se permet toutes les indignités. On l’a vu au moment des polémiques sur les Roms, mais aussi quand, la présidente du FN, Marie Le Pen, a commencé à évoquer le « malaise » devant la barbe des ex-otages ou encore dans les slogans ouvertement homophobes entendus durant les manifestations contre le mariage gay.
Dans l’entretien qu’elle a accordé à « Libération », le 6 novembre dernier, Christiane Taubira évoquait les propos discriminatoires multiples et dénonçait « une attaque au cœur de la République ». Elle a raison.
C’est en premier lieu aux politiques de se poser la question de leur responsabilité dans ces excès nauséabonds. La droitisation assumée de l’UMP a évidemment une incidence sur l’opinion. Les médias aussi doivent se poser la question de leur rôle face à cette radicalisation de la parole. Pour surtout ne pas la banaliser.

SURSAUT REPUBLICAIN

Contre ce genre d’attaque, il n’y a pas d’autre riposte qu’une dénonciation systématique des idées et des propos racistes. Pas d’autre riposte, à chaque fois que c’est possible et pénalement justifié, que la poursuite de leurs auteurs devant les tribunaux. Pas d’autre riposte que l’effort inlassable d’éducation des enfants et des jeunes. Pas d’autre riposte que le rappel intransigeant des principes d’égalité et de fraternité, qui sont le fondement du pacte social et républicain.
Il est temps qu’un sursaut républicain -pour préserver la belle démocratie républicaine - mette fin à cette montée du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance. C’en est trop !
La manifestation « Marche Républicaine », qui se tiendra dimanche  8 décembre prochain, place de la Bastille à Paris, et qui a pour but de « raviver l’esprit républicain », devra montrer que la rue n’est pas le monopole de mouvements réacs, aux relents pétainistes, comme la Manif pour tous, le Printemps français ou encore, plus récemment, les Bonnets rouges, d’inspiration poujadiste. Dans l’espoir que les 100.000 manifestants attendus (selon plusieurs sources) seront au rendez-vous pour porter haut l’étendard d’une France fière de sa diversité.
                                                      
Robert Kongo, correspondant en France

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire